La brutale campagne de réoccupation des villes autonomes de Cisjordanie, menée par l’armée israélienne, n’a pas épargné les monuments des cités historiques de Naplouse, Bethléem ou encore Hébron, en violation du droit de la guerre. Ainsi s’exerce une véritable violence symbolique contre la présence même des Palestiniens sur leur territoire.
NAPLOUSE - Commencées le 3 avril, les opérations de réoccupation des principales localités de Cisjordanie par les troupes israéliennes ont provoqué la mort de centaines de personnes et entraîné la destruction de milliers d’habitations, de bâtiments officiels, d’écoles... En tirant sans discernement des missiles – depuis les hélicoptères – ou des obus de chars, l’armée a pris le risque non seulement d’attenter à la vie de civils innocents mais aussi d’endommager les monuments des villes historiques de Naplouse, Hébron, Tulkarem et Bethléem. À ce cortège de malheurs, au nom d’une “lutte contre le terrorisme” à l’efficacité discutable, s’est ainsi ajoutée la destruction du patrimoine culturel palestinien, aussi bien musulman que chrétien. Le siège de la basilique de la Nativité à Bethléem a valeur de symbole.
Les informations que nous avons pu réunir par l’intermédiaire notamment de l’association Patrimoine sans frontières et de l’Unesco sont sans ambiguïtés. L’exemple de la vieille ville de Naplouse donne un aperçu de la catastrophe. La mosquée al-Khadrah a été détruite à 80 %, tandis que les mosquées al-Satoun et al-Kabeer, deux anciennes églises byzantines reconverties, le seraient à 20 %. Détruites également près de soixante maisons historiques (et deux cents autres en partie), l’entrée orientale du vieux marché datant du XVIIIe siècle, sept citernes romaines, au moins 80 % des rues pavées. Ces dernières avaient été restaurées récemment, à l’instar de nombreux monuments de la région. Des campagnes de restauration avaient en effet été financées par l’Union européenne et l’Unesco. Bethléem avait ainsi été remise en état dans la perspective de festivités prévues cette année.
Le bureau du comité du patrimoine mondial de L’Unesco a condamné ces actes qualifiés de “crime contre le patrimoine culturel commun de l’humanité”. Ces destructions constituent effectivement une violation du droit de la guerre, et plus particulièrement de la convention de La Haye de 1954, relative à la protection des biens culturels en temps de guerre, dont Israël est signataire. Toutefois, la mission d’enquête avortée des Nations unies semble indiquer que ces crimes ne seront jamais poursuivis, ni a fortiori sanctionnés.
En s’attaquant aux habitations, aux monuments et aux villes en général, Israël cherche à dénier aux Palestiniens tout droit sur leur terre. Comme l’écrit Sylvaine Bulle, chercheuse au Cermoc (Centre de recherches sur le Moyen-Orient contemporain) dans la revue Annales de la recherche urbaine (n° 91), “par temps de guerre, de conquête coloniale, s’approprier ou altérer un territoire revient à le dépouiller non seulement de ses formes urbaines, de son architecture, mais de sa mémoire collective. Toute entreprise de violence symbolique effectuée sur un espace à conquérir démarre par la modification sinon l’effacement de ses paysages urbains et ruraux existants mais aussi de ses pratiques urbaines”. Les spectaculaires destructions perpétrées dans le camp de Jénine participent de ce même dessein. Quant au vandalisme dans les bâtiments officiels, il n’a pas épargné le ministère de la Culture palestinien. L’armée elle-même a déploré les actes de pillage.
L’intervention israélienne a été baptisée “Rempart”. C’est avec les débris des maisons et des monuments qu’il aura été élevé.
- À lire : Annales de la recherche urbaine n°91, “Villes et guerres�?, 184 p., 30,48 euros. (Secrétariat permanent du Plan Urbanisme Construction Architecture, ministère de l’Équipement, Arche nord, 92055 Paris-la Défense cedex, fax : 01 40 81 24 46).
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Guerre des pierres en Palestine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°149 du 17 mai 2002, avec le titre suivant : Guerre des pierres en Palestine