Les employés du musée le plus visité au monde après le Louvre dénoncent leurs conditions de travail dégradantes.
Italie. Le pape devrait méditer la parabole de la poutre avant de rédiger son prochain sermon sur le capitalisme. François ne cesse de pourfendre la « marchandisation de l’être humain ». C’est pourtant ce que lui reprochent ses propres salariés. Plus précisément la cinquantaine sur les 700 que comptent les Musées du Vatican. Ils menacent de lancer « la première class action des employés du souverain pontife ». Quarante-neuf d’entre eux, dont quarante-sept gardiens, ont décidé d’engager une procédure légale pour contester leurs conditions de travail. Une lettre a été adressée au cardinal Fernando Vérgez Alzaga, président du Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican. « Les conditions de travail portent atteinte à la dignité et à la santé de chaque employé, peut-on y lire. La mauvaise gestion est manifeste, et il serait plus grave encore qu’elle soit due à la seule fin de générer davantage de profits. » Les recettes en 2022 des musées du pape s’établissaient à 120 millions d’euros.
Les employés dénoncent notamment des affectations et des promotions arbitraires, des heures de travail supplémentaires payées à des taux inférieurs et critiquent des dispositions insuffisantes en matière de santé et de sécurité. Des revendications difficiles à faire valoir dans le plus petit État du monde, qui ne reconnaît pas les syndicats. « Les travailleurs n’ont décidé de cette action qu’après que toutes leurs demandes et requêtes, au fil des ans, soient restées sans réponse », explique leur avocate tandis que la direction des Musées du Vatican se refuse à tout commentaire pour l’instant. Leur pétition pointe du doigt par exemple la gestion des congés maladie : quel qu’en soit le motif, les employés du Vatican ne sont pas autorisés à quitter leur domicile car la visite d’inspecteurs des affaires sociales peut survenir à tout moment. « Nous ne bénéficions pas d’assurance-chômage ni de mesures de soutien financier en cas de crise ou de perte totale d’activité », précisent les plaignants. Ceux qui avaient été laissés inactifs pendant la pandémie de Covid-19 se voient même demander de restituer les salaires versés pendant cette période.
Si ces revendications concernent l’ensemble des employés au service du Saint-Siège, ceux des Musées du Vatican avancent des dysfonctionnements qui sont spécifiques à leur environnement de travail. La sécurité des œuvres exposées dont ils ont la charge serait menacée tout comme celles des visiteurs qui ne cessent d’affluer dans les musées les plus visités au monde après le Louvre. En 2022, ils ont franchi le seuil de 5 millions en hausse de 215 % sur un an se rapprochant du record d’avant la pandémie où près de 7 millions de touristes en ont franchi le seuil pour admirer la chapelle Sixtine, le Torse du Belvédère, les Chambres de Raphaël ou encore les toiles du Caravage, du Titien ou de Guido Reni. « Chaque jour entre 25 et 30 000 personnes transitent dans le musée, précisent ses gardiens, alors que le plafond du nombre de visiteurs a été fixé à 24 000. C’est déjà un seuil énorme pour nos capacités. » À peine deux sorties de secours seraient accessibles tandis que la climatisation est défectueuse provoquant des malaises chez les gardiens et endommageant les œuvres. Un seul gendarme assure la sécurité, ce qui est bien peu dissuasif pour gérer les excès des touristes.
Le Vatican a 30 jours pour répondre de ce qui serait la première class action visant le Saint-Siège déplorent enfin l’absence totale de réaction de leur hiérarchie, à qui ils ont à plusieurs reprises présenté leurs griefs. La pétition représente la première étape formelle d’une procédure de conciliation obligatoire prévue par la loi vaticane. Les Musées du Vatican ont désormais trente jours pour y répondre sans quoi l’affaire sera portée devant un tribunal. « Le pape ne cesse de parler de droits mais nous sommes considérés comme de simples marchandises », déplorent les gardiens. « Avec cette action, nous voulons être constructifs, nous espérons que ce sera l’occasion de repenser les règles du travail au Vatican », ajoute leur avocate.
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Grogne sociale inédite dans les Musées du Vatican
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°634 du 24 mai 2024, avec le titre suivant : Grogne sociale inédite dans les Musées du Vatican