ARLES
L’inauguration de la tour dessinée par l’architecte américain est le point d’orgue du projet de transformation par Maja Hoffmann du parc des Ateliers en un lieu de recherche, de production et d’exposition.
Arles (Rhône).En 2009, Maja Hoffmann organisait dans la vieille ville d’Arles, avec l’agence d’architecture de Frank Gehry et les Rencontres d’Arles, une exposition de préfiguration d’un « nouveau type de centre culturel pour le XXIe siècle, laboratoire d’idées et de projets » dont la collectionneuse suisse rêvait pour le parc des Ateliers, une ancienne friche ferroviaire. Par la suite s’y est développé un programme d’expositions et manifestations diverses, aux visées parfois confuses, pour un lieu interdisciplinaire, à la fois centre de recherche et de production. L’art y cohabite avec le design, l’architecture, la danse ou la musique.
Depuis le 26 juin, « Luma Arles », c’est son nom, présente son visage achevé avec l’ouverture au public de la tour miroitante de Frank Gehry (lire l’encadré) et du parc imaginé par le paysagiste Bas Smets. De l’atmosphère de l’ancien site de la SNCF, minéral et poussiéreux, ne reste que le bruit des trains sur la voie toute proche. Les anciens bâtiments industriels ont été réabilités en espaces d’exposition après leur acquisition par la Fondation Luma.
À l’intérieur de la tour, des espaces sont réservés aux archives et aux expositions, tandis que des salles de travail et une bibliothèque se répartissent sur cinq niveaux, les derniers abritant bureaux de la direction et espaces privés. On découvre çà et là des commandes passées à des artistes, des installations pérennes qui, de Philippe Parreno à Etel Adnan, Liam Gillick ou Dominique Gonzalez-Foerster, ne laissent pas indifférent. Dès l’entrée, le toboggan de Carsten Höller, totem ludique, attire les regards tandis que le grand miroir circulaire d’Olafur Eliasson installé juste au-dessus de l’escalier à double révolution démultiplie ce dernier à l’infini.
La programmation 2021 en accès libre durant tout l’été offre un florilège d’expositions dans lesquelles les problématiques sociétales et environnementales prédominent, de Ian Cheng aux Forges ou Pierre Huyghe dans la Grande Halle à l’exposition collective « Prélude » à La Mécanique générale.
Dans les espaces du rez-de-jardin de la tour Luma, le registre est tout autre. Place au récit de vie de Maja Hoffmann (65 ans) à travers son itinéraire dans l’art, un récit fait de bribes discontinues. Rappelons que la fortune familiale est liée aux revenus du groupe pharmaceutique F. Hoffmann-La Roche créé à Bâle par son arrière-grand-père. Un espace est réservé ici aux œuvres de la collection Emanuel Hoffmann Foundation, fondée en 1933 par sa grand-mère Maja Hoffmann-Stehlin. La présentation de pièces de la collection personnelle de Maja Hoffmann [voir ill.] est distincte de celle de la Luma Foundation, que l’héritière a créée en 2004, à Zürich, afin de regrouper en une seule entité les différentes activités artistiques, environnementales ou liées aux droits humains dans lesquelles elle est engagée en Suisse, en Angleterre, aux États-Unis ou en France.
« Luma Arles » est l’un des projets portés par la Luma Foundation. À la différence de ses autres points d’ancrage, à Zürich, Gstaad, Londres ou New York, Luma Arles s’inscrit dans la ville de son enfance. La figure tutélaire du père, Luc Hoffmann, qui au sortir de la Seconde Guerre mondiale préféra Arles et la sauvegarde de la Camargue à la direction du groupe pharmaceutique, apparaît en creux. Dans la partie du bâtiment réservée aux corpus d’œuvres acquis par Luma Arles, surgissent les visages de Diane Arbus et d’Annie Leibovitz.
Autres archives accueillies à Luma, celles du commissaire d’exposition et critique Hans Ulrich Obrist sur le poète Édouard Glissant. Obrist est aujourd’hui le codirecteur artistique de Luma Arles aux côtés de Tom Eccles, Beatrix Ruf (ex-directrice du Stedelijk Museum à Amsterdam), Philippe Parreno et Liam Gillick. Luma Arles est le reflet des réflexions de ce « Core Group » sur le monde. Cet îlot dans la ville est aussi le reflet de leur monde artistique, nourri des références qui l’innervent.
Durant les quatorze années préparatoires, les critiques sur le projet de la fondation ont alimenté la vie arlésienne, entretenues par les achats d’hôtels dans le vieil Arles et la physionomie de la tour qui s’élève au-dessus de la ville.« Je pense que les Arlésiens auront besoin de se familiariser avec cette tour, reconnaissait Maja Hoffmann lors de son inauguration. Qu’ils veuillent bien […] regarder l’art contemporain comme une création, reflet de ce qui se passe aujourd’hui avec une notion d’espoir qui vient de cet archipel où tout est possible. » Des médiateurs les attendent. Une présence opportune.
Une tour d’un autre temps
Architecture. Dès sa première mouture, la tour de Frank Gehry heurta par sa hauteur démesurée, entièrement hérissée d’inox. Le choix de l’architecte lui-même faisait débat : pour le Schaulager à Bâle (lieu de conservation de la collection Emanuel Hoffmann), n’est-ce pas l’inventivité de Herzog & de Meuron qui avait été retenue ? En 2011, le rejet du projet par la Commission nationale des monuments historiques obligea l’architecte à revoir sa copie et à déplacer le bâtiment des abords de la nécropole antique des Alyscamps à l’entrée du parc des Ateliers, côté avenue Victor-Hugo. Dix ans plus tard, l’allure du bâtiment s’accorde malaisément avec le paysage arlésien. Enserrée dans un gigantesque cylindre de verre, la tour de 56 mètres de haut arbore des pavés en inox et des blocs de béton couleur sable. Cette combinaison n’est pas des plus heureuses et la présence surpuissante du bâtiment est d’un autre temps. L’intérieur, par ses grandes ouvertures sur le paysage et certains éléments de décor tels les panneaux de sels issus des recherches des Ateliers Luma, sonne plus juste.
Christine Coste
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Frank Gehry « active » Luma Arles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Frank Gehry « active » Luma Arles