FRANCE
Pour échapper aux polémiques, le gouvernement a confié la liste des commémorations nationales à l’Institut de France, une institution indépendante de l’exécutif.
Paris. Charles Maurras en 2018, Louis-Ferdinand Céline en 2011, jusqu’aux sorties du président de la République sur le « grand soldat » Pétain, dans le cadre de l’hommage aux maréchaux de France : la politique de commémoration nationale est souvent un piège pour l’exécutif. Pilotée jusqu’alors par la Mission aux commémorations nationales, qui dépendait du ministère de la Culture, la liste des commémorations est désormais de la responsabilité de France Mémoire, un nouveau service de l’Institut de France.
« À mon avis, l’État a bien fait de se sortir de là », estime Xavier Darcos, chancelier de l’Institut. L’ancien ministre a accepté, il y a deux ans, la proposition du gouvernement de transférer cette mission au Quai de Conti, loin du pouvoir exécutif, et au sein d’une institution indépendante du monde politique. « Il y a eu une bonne intuition, ajoute le chancelier, cette décision a été prise avant que ne montent les récentes polémiques sur les relectures de l’histoire. »
La question de ce qui devra être commémoré officiellement ou non reste toutefois du ressort du gouvernement. « On signale à l’attention du public une liste, explique l’historien Yves Bruley, vice-président de l’École pratique des hautes études et directeur de France Mémoire, mais cette liste est indicative, il ne s’agit pas d’une liste de commémorations officielles. » « Si l’on me dit qu’il ne faut pas oublier la naissance de Napoléon III en 2023, je réponds oui, on la mettra certainement, précise Xavier Darcos, mais si on me demande d’organiser le retour de ses cendres alors là, cela ne nous concerne plus, ce n’est pas à nous de le dire. »
Alors que le ministère de la Culture produisait une liste de 100 à 150 anniversaires, France Mémoire retient désormais une cinquantaine de dates, sélectionnées par un conseil scientifique représentant les cinq académies. En 2021, six dates ressortent de cette liste : les naissances de Flaubert, Baudelaire et La Fontaine, la mort de Napoléon, l’Armistice de 1871, mais aussi la naissance de Pauline Viardot, en 1821, une compositrice et cantatrice aujourd’hui inconnue du grand public. « Chaque année, on sortira de l’oubli des figures de la mémoire nationale, commente Yves Bruley, pour Pauline Viardot, ce n’est pas la femme, mais l’Européenne à qui nous avons voulu donner une meilleure place. Elle porte cette idée d’Europe culturelle. »
Outre les grandes figures et les dates incontournables de l’histoire de France, l’Institut compte également introduire dans la mémoire nationale des événements culturels, sociétaux, historiques qui ne sont pas célébrés d’ordinaire. « On est plus Marc Bloch que “Malet et Isaac”, indique Xavier Darcos, nous pensons que l’histoire se fait par la mutation culturelle profonde de la société. Ces aspects sont moins polémiques, mais aussi plus justes. » Ainsi la cuvée 2021 de France Mémoire propose aux Français de se souvenir du premier concert radiodiffusé en 1921, de la naissance du Code de la route la même année ou de la création du ministère de l’Environnement en 1971. « Si ça ne tenait qu’à moi, je célébrerais aussi la naissance du baroque en France », ajoute le chancelier.
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France Mémoire, nouveau maître de cérémonie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°560 du 5 février 2021, avec le titre suivant : France Mémoire, nouveau maître de cérémonie