Après avoir créé une Fondation aux Mesnuls (Yvelines) en 1996, où ils ont accueilli jusqu’en 2005 de nombreuses expositions d’art contemporain, Florence et Daniel Guerlain ont lancé le 15 mars un prix de dessin qui sera remis en 2007. Collectionneurs engagés et passionnés, membres de l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (Adiaf), ils commentent l’actualité.
Après avoir ouvert il y a dix ans une fondation privée, vous avez lancé un prix de dessin le 15 mars. Pourquoi ?
Florence Guerlain : Nous avons créé notre fondation en 1996 aux Mesnuls, à 40 km de Paris. Mais nous n’avions pas assez de public pour les expositions à thème qu’y organisaient les commissaires que nous invitions. Nous avons donc décidé de cesser l’activité publique de la fondation et avons réfléchi pendant un an à son devenir. Nous avons décidé de créer ce prix de dessin, qui est aujourd’hui la principale activité de la fondation, qui est toujours reconnue d’utilité publique.
Pourquoi précisément avoir choisi le dessin ?
Daniel Guerlain : Nous avons depuis toujours une passion pour le dessin en tant que geste premier de toute création. Pour les artistes, c’est un moyen de s’exprimer rapidement, comme un carnet de note. Il existe une intimité avec le dessin que l’on n’a pas obligatoirement avec les grandes œuvres. Le dessin connaît aussi un regain d’intérêt dans les écoles d’art et dans les ventes publiques. Le Salon du dessin, qui vient de se dérouler à Paris, accueille aujourd’hui les modernes, un premier pas vers le contemporain.
FG : Certains pensent que le dessin est une manière d’acheter des œuvres moins chères. Mais, pour nous, le dessin n’est pas une forme d’œuvre mineure. Un dessin peut être aussi important qu’une peinture, une sculpture ou une photographie.
Comment va fonctionner ce prix ?
DG : Nous travaillons avec une commission de trois professionnels dont nous dévoilerons l’identité en même temps que les trois artistes sélectionnés, en novembre. Nous allons travailler sur une douzaine d’artistes avant d’en garder trois. Ils seront ensuite présentés à un jury de collectionneurs privés, qui choisira le lauréat. Ce dernier sera nommé le 27 ou le 28 mars 2007 à Art Paris.
Pourquoi avoir choisi la foire Art Paris ?
DG : La FIAC accueille déjà le prix Marcel-Duchamp. Et quand nous avons su qu’Art Paris se déroulait au Grand Palais, nous avons demandé au directeur de la foire, Henri Jobbé-Duval, s’il voulait bien nous accueillir. Il y a été tout de suite favorable, et nous l’en remercions.
Qu’avez-vous pensé de la foire ?
FG : C’est d’un bon niveau, mais peut-être encore un peu irrégulier. Il faut aussi faire venir plus d’étrangers.
DG : L’idée du parcours de sculpture était très bonne, mais les propositions n’étaient pas très consistantes, mis à part celles de Christian Lapie, qui étaient les plus fortes de l’ensemble.
FG : La foire accueille de très bonnes galeries et de très bonnes œuvres de premier ou de second marché. C’est le lieu idéal pour montrer, à un public français qui se déplace peu, des œuvres d’artistes français ou étrangers.
Le Grand Palais va aussi bientôt accueillir l’exposition « La force de l’art ». Que pensez-vous de l’idée d’organiser une exposition sur l’art en France ?
FG : L’idée est très bonne, mais le délai d’organisation de l’exposition est terrible. Maintenant, il faut laisser les choses se faire. Mais quinze commissaires semblent beaucoup trop et difficile à « manager ». Je suis aussi contre ce choix de donner une scénographie à un artiste : pourquoi lui et pas un autre ? La grande bonne nouvelle est que les lauréats du prix Marcel-Duchamp soient présentés dans l’exposition. Il était important que les collectionneurs soient représentés, parce que l’essentiel des autres œuvres exposées viendra de collections publiques. Il existe un potentiel d’acheteurs en France, et il fallait le montrer. De même, un espace sera réservé au prix Ricard.
DG : Cette exposition ne doit pas rester comme un « coup » du
Premier ministre, mais bien s’affirmer comme la première pièce d’un puzzle qui reviendra tous les trois ans. Les quinze commissaires vont accrocher les artistes qu’ils aiment, et l’exposition risque d’être assimilée à une foire. À l’avenir, il faudra trouver le cheminement de l’histoire de l’art en France des trente dernières années.
FG : Il faut aussi arrêter de scier les branches sur lesquelles nous sommes installés. Il faut essayer de bien organiser les choses pour que cette exposition marche le mieux possible.
DG : D’autant que, jusqu’à présent, on faisait plutôt de l’anti-franco-français.
FG : Malgré tout, les collectionneurs privés seront très peu représentés dans l’exposition. Un grand nombre d’entre nous était disposés à prêter des œuvres. Aux États-Unis ou dans d’autres pays étrangers, les collectionneurs s’affirment en tant que tels. Ici, c’est un phénomène nouveau, et qui n’existait pas, par exemple, à l’époque de « Passions privées » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Personne ne voulait alors divulguer son nom ! L’exposition du Grand Palais aurait pu être l’occasion de montrer les œuvres issues des collections privées qui sont aussi belles que celles qui se trouvent dans les collections publiques.
Il existe une nouvelle prise de conscience des collectionneurs en France. Est-ce dû, selon vous, au développement des associations de collectionneurs ?
FG : François Trèves, président de l’Association des Amis du Musée national d’art moderne, a donné la parole aux collectionneurs d’une façon très intéressante. Le PAC (projet pour l’art contemporain) permet d’acquérir des œuvres d’art contemporain par l’intermédiaire de quarante collectionneurs qui se réunissent et font un vrai travail de sélection d’œuvres d’artistes achetées pour le Centre Pompidou.
DG : L’Adiaf a aussi fait un très beau travail auprès des collectionneurs en leur permettant de montrer leur passion. C’est ainsi que, en 2004, ils avaient pu présenter une sélection d’œuvres au Musée de Tourcoing, et une nouvelle exposition se prépare au Musée de Grenoble en 2007.
Quelles vous semblent être aujourd’hui les priorités de l’Adiaf ?
FG : Nous sommes en train de mettre sur pied avec son président, Gilles Fuchs, un programme pour les membres de l’Adiaf. Il n’existe pas encore assez d’activités à côté du prix Marcel-
Duchamp. Il faut montrer des choses extraordinaires. Il faut être inventif… Le monde est exigeant !
Pensez-vous qu’il manque encore des dispositifs fiscaux pour aider les collectionneurs privés en France ?
DG : Est-ce que l’État, qui n’a pas d’argent, doit aider les collectionneurs à acheter ? Non, nous ne le croyons pas. C’est déjà bien que les œuvres d’art ne soient pas dans l’assiette de l’ISF. C’est surtout l’ISF qui devrait être réformé. Cet impôt récurrent empêche de faire beaucoup plus pour l’art et pour l’économie du pays.
Quelles sont les expositions qui vous ont marqués dernièrement ?
DG : Nous avons vu les très beaux dessins de Hans Bellmer au Centre Pompidou. Nous avons aussi visité « Cézanne-Pissarro » au Musée d’Orsay. Nous sommes allés au Palais de Tokyo et nous avons trouvé l’exposition « Notre histoire… » pas si mal. Nous avons plus particulièrement aimé la pièce de Wang Du, une installation muséale qui est très belle. L’espace de Barthélemy Toguo est aussi très intéressant, et nous avons revu Jules de Balincourt, découvert l’année dernière à l’Armory Show. À Rouen, nous avons été séduits par l’exposition de Javier Pérez. Nous avons également amené un groupe de collectionneurs pour visiter l’atelier de Johan Creten à la Manufacture nationale de Sèvres. David Caméo y fait vraiment des choses extraordinaires pour l’art contemporain !
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Florence et Daniel Guerlain, collectionneurs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°234 du 31 mars 2006, avec le titre suivant : Florence et Daniel Guerlain, collectionneurs