Pour inaugurer ses espaces rénovés, le Musée Paul-Valéry révèle l’œuvre de l’artiste à la lumière de la Méditerranée.
Moins de deux ans après la rétrospective du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, véritable plaidoyer pour réhabiliter un artiste évincé par la critique pour ses penchants figuratifs et décoratifs (lire le JdA no 291, 14 novembre 2008, p. 12), Raoul Dufy (1877-1953) est à l’honneur au Musée Paul-Valéry, à Sète. Moins ambitieuse que la manifestation parisienne et montée en un temps record, la démonstration sétoise révèle l’œuvre de Dufy à travers les scènes peintes en Méditerranée, selon une organisation chronologique marquant les grandes étapes de son évolution stylistique. Les premières toiles illustrent ce moment où le peintre découvre le Midi, sa lumière, ses paysages tel le petit port de Martigues. Même si c’est au Havre que l’artiste prend un tournant décisif, il développe ses théories sur la couleur-lumière dès 1907 à Marseille, puis à la Ciotat.
Durant cette période dite « cézarienne », Dufy travaille avec Braque à une organisation plus rigoureuse de l’espace et une simplification de la palette, mais, contrairement à son confrère, il demeure fidèle au motif. Dans les nombreuses vues de Vence, il met en place ce qui caractérisera son œuvre : « La dissociation de la forme et de la couleur », selon Maïthé Vallès-Bled, la directrice du musée. Il applique la matière en de larges touches colorées, transgressant les limites imposées par le dessin. Les années 1920 et 1930 sont marquées par ses voyages en Italie, en Algérie et au Maroc, où il exécute des aquarelles lumineuses rehaussées par un dessin au trait sobre et synthétique. À Nice, il immortalise la baie des Anges, la jetée-promenade ou le casino. La période à Perpignan, où il s’installe au début de la Seconde Guerre mondiale, est marquée par la série des grands orchestres (à laquelle est consacrée une salle entière), à l’instar de L’Orchestre rouge (1946-1949), preuve de sa passion pour la musique. Dufy réinvente la lumière par l’utilisation du noir qui en révèle l’intensité, comme en témoignent Le Cargo noir à Sainte-Adresse (1949-1952) et Corrida, course de taureaux (1949) où l’arène est une vaste tâche obscure. « Le soleil est au zénith, c’est le noir : on est ébloui ; en face on ne voit plus rien, expliquait l’artiste en 1948. C’est le noir qui domine, il faut partir du noir, et tenter une autre transposition. »
Arrivée à l’automne 2009 à la tête du musée, tout juste fermé pour travaux de rénovation, Maïthé Vallès-Bled n’a disposé, avec Françoise Lopez, directrice adjointe, responsable des collections permanentes, et leurs équipes, que de quelques mois pour réunir la cinquantaine de toiles ici présentées. Le montage de l’exposition a donc constitué un véritable baptême du feu pour l’ancienne directrice du Musée Fleury à Lodève (Hérault), appelée à Sète pour dynamiser l’institution dédiée à Paul Valéry et installée au flanc du mont Saint-Clair dans une architecture des années 1970. La ville a saisi l’occasion d’une indispensable mise aux normes du lieu pour le repenser entièrement. Il est désormais doté d’un auditorium et d’une cafétéria avec vue sur la mer, tandis que les bureaux administratifs ont été déménagés au profit de la collection permanente.
Programme dynamisé
Au total, 2 500 mètres carrés sont dévolus aux espaces d’exposition. Les réaménagements muséographiques ont permis de redéployer les œuvres du XIXe siècle au rez-de-chaussée : des peintures académiques, orientalistes ou réalistes de qualité inégale, parmi lesquelles une Mer calme à Palavas de Courbet. Au premier étage figurent des œuvres de Georges Dezeuze, François Desnoyer ou Gabriel Couderc, et les artistes de la figuration libre Robert Combas et Hervé Di Rosa. Non loin d’eux, le fonds Paul-Valéry, composé de manuscrits et documents, mais aussi d’aquarelles, dessins et pastels, sera présenté par roulement. À peine inaugurés les nouveaux espaces du musée, les équipes sont déjà en train de travailler sur les prochaines expositions : Louis Valtat cet hiver et Juan Gris dans un an. Réputée pour ses festivals autant que pour son Musée international des arts modestes et son centre d’art qui accueille Claude Levêque cet été, la ville de 45 000 habitants l’hiver et 90 000 l’été, où Soulages a décidé d’installer sa maison-atelier, confirme son attachement aux arts et à la culture.
Jusqu’au 31 octobre, Musée Paul-Valéry, 148, rue François-Desnoyer, 34200 Sète, tél. 04 99 04 76 16, tlj 9h30-19h. Catalogue, éd. Au fil du temps, 212 p., 36 euros, ISBN 978-2-9182-9803-8
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Dufy fait les beaux jours de Sète
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire : Maïthé Vallès-Bled, directrice du Musée Paul-Valéry
- Nombre d’œuvres : 58
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°329 du 9 juillet 2010, avec le titre suivant : Dufy fait les beaux jours de Sète