La grande exposition consacrée aux « Trésors des Médicis » que préparait le Musée du Luxembourg, à Paris, pour l’automne est reportée. Le Sénat, dont dépend l’établissement, a tranché en faveur de Sylvestre Verger et de sa société SVO Art, concessionnaire du lieu, dans le conflit l’opposant à Patrizia Nitti, jusque-là responsable des expositions Renaissance de l’institution.
PARIS - L’épilogue de l’affaire du Musée du Luxembourg, à Paris, est encore loin d’être écrit (lire le JdA n° 280, 25 avril 2008, p. 36). Si le bureau du Sénat, après plusieurs semaines de silence, a finalement tranché le 13 mai en faveur de Sylvestre Verger et de sa société SVO Art dans le conflit qui l’opposait à Patrizia Nitti, cette dernière ne compte vraisemblablement pas en rester là. « C’est la première fois que je vois une institution prétendre qu’il n’y a pas de contrat et envoyer une lettre de rupture ! », s’exclame Me Jean-Jacques Neuer, son avocat. Dans un communiqué, la présidence du Sénat s’est en effet contentée de prendre acte de l’absence d’accord entre les deux parties et d’annoncer le report sine die de l’exposition consacrée aux « Trésors des Médicis ». Montée par Patrizia Nitti, celle-ci devait constituer l’événement de l’automne au Musée du Luxembourg. Une manière de soutenir SVO, titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) depuis 2002 pour la gestion du Musée. L’exposition italienne sera remplacée par une présentation de la collection d’art moderne de l’industriel portugais Joe Berardo, programmée à la hâte par SVO. Le communiqué précise par ailleurs que les « questeurs réfléchiront parallèlement aux avenants qui pourraient être apportés à la convention d’AOT pour la période 2009-2011. C’est dans ce cadre que l’exposition “Trésors des Médicis” pourrait, selon les vœux des autorités du Sénat, être organisée ultérieurement. » En d’autres termes, le Sénat envisagerait d’apporter sa garantie à SVO afin qu’elle puisse obtenir des prêts des institutions italiennes. La formule permet surtout d’éviter de prononcer le mot « annulation » et de fâcher les autorités italiennes, qui jusque-là n’ont pas ménagé leur soutien à Patrizia Nitti. La vacance temporaire du gouvernement de la Péninsule, faisant suite aux élections législatives, n’a toutefois pas joué en faveur de cette dernière.
Pourtant, il semble difficile d’imaginer une collaboration des musées italiens – tous acquis à la cause de Patrizia Nitti – avec SVO. Dans une lettre du 7 avril adressée à Sylvestre Verger et, en copie, à la fois au président du Sénat et à l’ambassadeur d’Italie en France, la surintendance des musées de Florence, dirigée par Cristina Acidini, refusait déjà le remplacement de Patrizia Nitti par la société Contemporanea Progetti. « Notre ministère nous confirme que notre unique interlocuteur désigné est Patrizia Nitti, que le comité scientifique, comme à l’accoutumée, a choisi l’exposition, a nommé le commissaire et a confié la direction du projet à Patrizia Nitti, avec laquelle nous travaillons à ce projet depuis un an et demi dans un esprit de parfaite collaboration », rappelait ce courrier.
Alors qu’il s’était jusque-là refusé à tout commentaire, Sylvestre Verger est sorti de sa réserve le 16 mai. Dans un communiqué, il dénonce « une campagne de dénigrement » menée par Patrizia Nitti. Il insiste également sur les liens de subordination existant entre SVO et Patrizia Nitti, et nie l’existence de rapport contractuel de cette dernière avec le Sénat. Ce que dément formellement l’intéressée. « Le Sénat a chargé ma cliente des expositions Renaissance à une époque où SVO n’intervenait pas au Sénat et ce lien a été maintenu pendant huit ans. À l’époque, le Sénat n’avait pas les moyens financiers de relancer le Musée. Ma cliente a alors pris des risques entrepreneuriaux », précise Me Neuer, qui déplore par ailleurs qu’un « accord culturel majeur entre la France et l’Italie soit en train d’être détruit de manière unilatérale ». Une seconde exposition parisienne, consacrée à la collection Terruzzi, la plus grande donation léguée à l’État italien au cours de ces dernières années, qui sera bientôt accueillie à Rome, dans une aile du palais Corsini, est elle aussi compromise. Après avoir écarté Marc Restellini en 2002, Sylvestre Verger, qui était à l’origine en charge de la seule logistique des expositions, est donc en train de récupérer les pleins pouvoirs au Musée du Luxembourg. Le tout dans une étrange atmosphère de fin de règne autour du président Christian Poncelet, dont le mandat arrive à son terme en septembre prochain.
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Divorce consommé au Musée du Luxembourg
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°282 du 23 mai 2008, avec le titre suivant : Divorce consommé au Musée du Luxembourg