Paul Delvaux, le dernier sommeil de Pygmalion - Lucio Amelio, figure internationale de l’art contemporain.
BRUXELLES - C’était il y a un peu plus d’un an. Travaillant sur un projet de rétrospective, j’avais eu l’occasion de pénétrer dans la maison patricienne où Paul Delvaux s’était retiré. Au cœur de Furnes, il vivait reclus, entouré de poupées qu’une dame de compagnie avait fait sortir de ses toiles. Delvaux était devenu le souvenir de sa propre mémoire. Il revivait son passé au fond d’un fauteuil, et ses mains qui avaient tant souffert sous le pinceau restaient en attente de quelque dénouement. L’homme était lucide, l’esprit agile et, bien qu’aveugle, le regard restait vif.
Paul Delvaux s’est éteint le 20 juillet dans ce village flamand cher à Simenon. Il précédait le siècle, même si sa peinture échappait au temps pour se réfugier dans cette durée intérieure qui n’a jamais voulu se défaire de l’enfance. Celle-ci apparaît au centre de l’univers du peintre. Les rétrospectives viendront pour retracer l’évolution d’une œuvre qui, en soi, voulait rester immobile, au-dessus des discours, dans le rituel répété d’un Éden impossible.
L’œuvre semble connue. Il faudra pourtant la découvrir, à l’instar des dernières œuvres jamais montrées que Delvaux gardait jalousement près de lui. Leurs figures puissantes rompent avec l’univers théâtral des parades nocturnes. Elles retrouvent le souffle expressionniste des débuts sans renoncer aux ambiguïtés de l’androgyne. Comment les interpréter ? Quel sens leur donner ? La peinture de Delvaux est un univers dans lequel il nous faudra désormais nous aventurer seuls. Mais en est-il autrement des voyages intérieurs ?
NAPLES - Le 2 juillet dernier disparaissait Lucio Amelio, figure internationale de l’art contemporain. Ceux qui ont croisé Lucio Amelio connaissent l’étendue de ses intérêts, et sa personnalité orgueilleusement réfractaire aux conventions. Il débute très jeune, au milieu des années soixante, en ouvrant sa galerie napolitaine, la Modern Art Agency. Il entame ainsi un long parcours qui ne cèdera jamais aux modes, jalonné de découvertes et d’amitiés avec les artistes qu’il choisit.
Il cultive une affinité étroite avec Beuys, mais aussi avec les créateurs qui marquent les grandes étapes de sa carrière : le napolitain Carlo Alfano qu’il expose pour la première fois en 1966, Kounellis, Longobardi, Tatafiore, Paladino, Haring, Fermariello, opérant avec succès la jonction entre artistes locaux et internationaux.
À la suite du tremblement de terre de 1980, il constitue son extraordinaire collection baptisée Terrae Motus, qui réunit des œuvres inspirées de la catastrophe signées de Beuys, Warhol, Kiefer, Paolini, Barcelò, Longobardi ou Haring.
Aujourd’hui se pose le problème de sa conservation, dans une ville où font défaut les ressources publiques consacrées à l’art contemporain. S’installera-t-elle dans le couvent de Santa Lucia al Monte, acheté par Amelio voici quelques années et qu’il faudrait réaménager, ou dans le prestigieux Castel Sant’Elme proposé par la ville, structure que de nombreux artistes jugent insuffisamment active ? En aucun cas elle ne doit quitter une ville qui fut, pour Amelio, le point de départ et d’arrivée de toute son activité.
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Deux disparitions : Paul Delvaux et Lucio Amelio
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Deux disparitions : Paul Delvaux et Lucio Amelio