BERKELEY / ETATS-UNIS
Une étude a tenté de prouver que les expressions de nos émotions sont universelles, grâce à du matériel archéologique.
Exprimons-nous la tristesse, la douleur ou encore la joie de la même façon qu’un ancien Maya ou qu’un ancien Sumérien ? Récurrente dans le domaine des neurosciences, la question de l’universalité de l’expression de nos émotions ne cesse d’interroger les chercheurs, qui tentent de déterminer si nos expressions sont plutôt le fait d’un facteur biologique endogène ou résultent d’une construction culturelle. Mais le principal obstacle auquel se heurtent les scientifiques est qu’il est difficile d’obtenir des données qui ne soient pas influencées par notre propre référentiel occidental contemporain.
Deux chercheurs américains en psychologie et en neuroscience de l’Université de Berkeley ont tenté de répondre à cette question dans une étude publiée dans le journal Science Advances. Pour se faire, ils se sont basés sur un corpus de 63 sculptures préhispaniques (figurines et bas-reliefs), réalisées avant la découverte de l’Amérique et donc antérieures à la rencontre entre les Européens et les populations autochtones. La représentation des expressions faciales de ces artefacts ne peut donc pas avoir été influencée par les conceptions occidentales à ce sujet.
Les individus sont à chaque fois représentés dans huit situations clairement identifiables : être retenu captif, être torturé, porter un objet lourd, enlacer quelqu’un, porter un nouveau-né, être en position de combat, jouer à un jeu de balle et jouer de la musique.
Les chercheurs ont isolé les visages de ces figures, qu’ils ont présentés à un panel de 325 participants, qui ont dû y faire correspondre des émotions parmi une liste de trente – incluant par exemple la colère, la détermination, le doute, la joie, la surprise. Ils ont par ailleurs fait appel à un autre groupe de 114 participants, en leur demandant quelles émotions ils s’attendaient à ce qu’un individu exprime dans chacune des huit situations, qui leur sont cette fois-ci décrites oralement.
Ils ont ensuite comparé les données issues de ces deux groupes, et ont observé une corrélation entre la signification que les Occidentaux attribuent aujourd’hui à certaines expressions faciales et l’utilisation de ces mêmes expressions dans les sculptures préhispaniques. Le recoupement de ces données permet de soutenir l’hypothèse qu’au moins cinq expressions ont un caractère universel et se retrouvent au-delà du temps et de la culture : la douleur, la détermination, la colère, la joie et la tristesse.
Cette approche innovante, qui fait dialoguer archéologie et neuroscience, présente néanmoins des faiblesses. De nombreux universitaires ont en effet émis des réserves quant à l’authenticité des statuettes utilisées, malgré les précautions prises par les deux chercheurs, tant les contrefaçons sont monnaie courante dans le milieu de l’archéologie préhispanique. D’autres, dans le Smithsonian Magazine, ont souligné que les cultures anciennes devaient avoir recours à des formes de communications émotionnelles auxquelles notre sensibilité contemporaine est complètement hermétique.
Les deux scientifiques sont bien conscients de ces problématiques. « Nous n’avons aucun accès aux sentiments des peuples de l’Amérique préhispanique. Ce que l’on peut conclure, c’est que les artistes précolombiens partageaient certaines de nos associations occidentales contemporaines entre des configurations faciales et des contextes sociaux, associations qui sont antérieures à toute forme de contacts connus entre l’Occident et l’Amérique préhispanique. » Ce qui reviendrait à dire que nous sommes effectivement « biologiquement programmés » à exprimer nos émotions, indépendamment de notre époque et de notre culture.
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Des statuettes préhispaniques pour montrer l’universalité des expressions du visage
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