COLOMBIE
Un documentaire jette un coup de projecteur sur des milliers de peintures rupestres qui ont enfin pu être étudiées.
Le documentaire Jungle Mystery: Lost Kingdoms of the Amazon, diffusé par Channel 4 depuis le 5 décembre est particulièrement riche d’enseignements. La réalisatrice, l’archéologue et exploratrice Ella al-Shamahi, a été filmer dans ce lieu reculé de la Colombie, à quatre heures de marche dans la jungle amazonienne. L’objet de ces efforts : le site archéologique de Serranía de la Lindosa, réputé pour ses peintures rupestres qui lui valent le surnom de « Chapelle Sixtine des Anciens ».
La découverte n’est pas inédite, mais le site est resté longtemps inaccessible car situé jusqu’alors en pleine zone de guérillas. C’est à la suite du traité de paix signé entre le gouvernement colombien et les guérilleros des FARC en 2016 que les archéologues ont enfin pu accéder à la zone de Serranía de la Lindosa repérée par imagerie satellite.
Un site remontant à plus de 10 000 ans av. J.-C.
Cet escarpement rocheux dans le département de Guaviare situé à l’extrémité nord-ouest de la forêt amazonienne, a livré des traces d’occupation parmi les plus anciennes du pays, remontant à la fin de la dernière période glaciaire (vers - 10 000). Et surtout, les parois des abris rocheux sont couvertes de milliers de peintures représentant des figures géométriques, humaines, animales et végétales, ainsi que des empreintes de mains en positif.
Une équipe internationale associant des chercheurs issus de différentes disciplines de l’Université d’Exeter, l’Université nationale de Bogota et l’Université d’Antioquia de Medellín, menée par l’archéologue José Iriarque, forme le consortium The Last Journey financé par le Conseil de recherche européen. Le groupe travaille à l’exploration de ce continent qui fut le dernier colonisé par l’homme, et notamment à cette période charnière entre Pléistocène et l’Holocène, qui voit la fin de la dernière période glaciaire. Leur découverte sur le site de Serranía de la Lindosa a ouvert de nouvelles perspectives.
Dans un article publié en avril dernier dans Quaternaly International, les scientifiques faisaient la synthèse des informations qu’il avait pu recueillir au cours de deux campagnes de fouilles menées en 2017 et 2018, qui se sont concentrées sur trois abris rocheux : Cerro Azul, Limoncillos et Cerro Montoya.
Leurs recherches ont montré que le site a probablement accueilli la plus ancienne occupation humaine en Amazonie colombienne, remontant à il y a environ 12 600 ans. C’est légèrement plus récent que les premières traces d’occupation en Colombie, actuellement considérées comme étant celles du site de Tibito sur le plateau de Bogota, qui daterait de 13 600 ans. Une observation qui supposerait une expansion humaine depuis les Andes centrales à la toute fin de la dernière période glacière.
Des milliers de peintures rupestres
L’abri de Cerro Azul a fourni l’un des ensembles rupestres les plus exceptionnels de la région, réalisés en ocre rougeâtre sur des parois protégées des intempéries, à la surface bien lisse. Certaines sont situées très hauts, ce qui a conduit José Iriarte à avancer l’hypothèse que les « artistes » auraient eu recours à des tourelles en bois dont on trouve la représentation sur les murs.
Au total, ce sont plusieurs milliers de peintures qui courent sur près de 13 km de parois, qui en font l’un des sites rupestres les plus riches avec celui du parc national de Chiribiquete. Des milliers de pictographes représentant des végétaux, des empreintes de main et des formes géométriques, mais surtout des figures humaines et animales, cerfs, tapirs, alligators, singes, tortues, serpents et porc-épics comptant parmi les plus fréquemment dépeints.
Les auteurs de ces peintures ont surtout représenté ce qui semblerait être des espèces aujourd’hui disparues qui constituaient la mégafaune de la période glacière, notamment des mammouths, des paresseux géants, des camélidés... Mais aussi des chevaux, une espèce endémique avant sa disparition à la fin de l’aire glacière avant sa réintroduction sur le continent par les Européens. Des représentations particulièrement réalistes, observe un membre de l’expédition : « Bien que des représentations de cette mégafaune aient été évoquées dans d’autres contextes d’art rupestre, dans le centre du Brésil et dans d’autres régions d’Amérique du Sud, celles de La Lindosa sont à notre connaissance les plus réalistes. »
Interactions entre l’homme et la nature
La plupart des scènes rituelles ou de chasse, montrent des interactions entre l’homme et son environnement. « Les nombreuses peintures rupestres fournissent une importante source d’informations sur le paysage de l’époque et la compréhension de l’interaction entre l’homme et son environnement, depuis son régime alimentaire aux stratégies de chasse et la gestion des plantes, ainsi qu’un aperçu des phénomènes sociaux. »
Aux côtés de cette mégafaune, généralement située au registre supérieur des panneaux, les figures anthropomorphes sont représentées de plus petites tailles. Interrogé dans le Guardian sur le caractère potentiellement religieux de ces scènes, José Iriarte souligne en tout cas qu’il est « intéressant de constater que la plupart de ces grands animaux sont entourés de petites figures humaines, les bras levés, presque en adoration devant eux. »
Dans leur article, les chercheurs concluent que « collectivement, toutes ces peintures représentent probablement l’une des plus anciennes expressions artistiques des populations amazoniennes autochtones, en plus de témoigner de leur interaction avec la mégafaune de l’ère glaciaire. Davantage de recherches sont nécessaires pour soutenir ces spéculations. »
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A Serranía de la Lindosa, un « Lascaux amazonien »
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