Alors que le Grand Palais rend hommage à Seydou Keïta, décédé en 2001, exposant de nombreux tirages d’époque, Malik Sidibé vient de disparaître. Celui qui reçut en 2007 le Lion d’or de la Biennale de Venise a non seulement contribué à donner ses lettres de noblesses à la photographie africaine, mais aussi à apporter un autre regard sur un continent en devenir.
BAMAKO - Premier photographe africain à recevoir en 2003 le prestigieux prix Hasselblad et, en 2007, le Lion d’or de la Biennale d’art contemporain de Venise pour l’ensemble de son œuvre, Malick Sidibé a contribué à modifier le regard sur l’Afrique et sa création. Comme Seydou Keïta de quatorze ans son aîné, le photographe Malien a imposé en effet une autre image du continent. La visibilité donnée à ses images, à partir des années 1990, rappelle que le médium est présent en Afrique depuis bien plus longtemps que l’on ne l’imaginait. Si l’un et l’autre appartiennent à une génération de photographes africains encore étrangers à l’engagement anti-colonial des générations qui leur succéderont, Malick Sidibé se distingue toutefois de Seydou Keïta par ses images de la vie sociale des jeunes Maliens durant les années 1960-1970.
Chroniqueur des fêtes de la jeunesse malienne
Marque de fabrique de la photographie africaine, la photographie de studio qu’il pratique sort de son cadre. Baptêmes, mariages, mais surtout bals populaires, soirées, « surprises-parties » ou clubs de jeunes où l’on danse rendent compte du vent de liberté et d’insouciance qui souffle alors sur Bamako et les berges du fleuve Niger. La pellicule noir et blanc fixe l’atmosphère joyeuse, les boubous et les tenues occidentales à la mode portées par les filles ou les garçons. On danse, on se déhanche, on flirte au son du rock, du yé-yé, du twist ou de la musique afro-cubaine, des moments immortalisés par Malick Sidibé. Les portraits ou scènes prises sur le vif et au flash montrent une société en mutation. L’indépendance du Mali facilite paradoxalement l’appropriation des codes de la modernité occidentale.
À l’instar de nombre de photographes africains, l’être humain est au centre du travail de Malick Sidibé. « Pourquoi photographier un paysage ? Il sera toujours là. Les êtres humains, eux, disparaissent », disait-il. Ceux qui viennent choisir et retirer les tirages au studio Malick du quartier de Bagadadji savent la puissance évocatrice de ses images. Dans son studio, le chroniqueur des nuits de Bamako laisse à chacun la même liberté d’être devant l’objectif.
Avec la même fulgurance que Seydou Keïta, ses images ont connu une reconnaissance internationale. De Françoise Huguier, Bernard Descamps au marchand André Magnin, La Revue Noire, Les Rencontres de Bamako, La Fondation Cartier ou Agnès B… : chacun y a participé à sa manière. L’éclairage porté d’un seul coup à son travail a mis en lumière son parcours. Né à Soloba en 1935 dans une famille d’éleveurs peuls, après une formation de dessinateur c’est auprès de Gérard Guillat en 1955-1958 qu’il apprend la photographie. Peu après, il crée en 1962 son propre studio, puis se reconvertit en réparateur d’appareils photo à l’aube des années 1980. Devenu le portraitiste phare de l’Afrique, il rouvre son studio, où l’on se presse pour se faire photographier. Sa disparition le 14 avril 2016, à l’âge de 81 ans, clôt un chapitre de l’histoire de la photographie africaine, et même de l’Afrique de l’Ouest.
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Décès du photographe malien Malick Sidibé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°456 du 29 avril 2016, avec le titre suivant : Décès du photographe malien Malick Sidibé