De mystérieuses boules de gomme

Mystères et boules de gomme, seul le Musée international de la parfumerie de Grasse a osé afficher comme titre de manifestation, pour ce printemps des musées, l’idée qui est venue à tous les conservateurs de France quand le thème de cette année, choisi par le ministère de la Culture, leur est parvenu. L’exposition de Grasse traitera en effet d’un sujet encore peu muséographié : « Découverte des procédés de fabrication et d'aromatisation du chewing-gum ».
Le printemps des musées de cette année est une vraie fête, pleine d’humour et de fantaisie. L’occasion d’entamer le tour de France des musées oubliés : « Que de souffles aux provinces » écrivait Saint-John Perse, et même si nul ne parle plus de « musées de province », l’envie est forte de commencer la visite par le musée Saint-John Perse de Pointe-à-Pitre qui dévoile les « Mystères de l’écriture antillaise », en exposant des éditions rares d’auteurs créoles peu connus.
La rareté est partout à l’affiche.
À Écouen, le Musée national de la Renaissance montre un triptyque en plumes du XVIe siècle, originaire du Mexique, dans l’esprit des cabinets de curiosité. Cette esthétique du cabinet d’amateur triomphe à Varzy, au musée Auguste Grasset qui, rendant hommage à son plus illustre donateur, juxtapose les débris du premier accident de chemin de fer en France, un fragment de papier peint de Napoléon à Sainte-Hélène sans doute saturé d’arsenic, une amulette gallo-romaine en forme de phallus ailé et les fameuses « fourmis venimeuses habillées en tutu », perles absolues d’un fonds aux richesses trop négligées. Le merveilleux musée Léon Alègre de Bagnols-sur-Cèze reconstitue lui aussi l’antre de son fondateur de 1858, peintre, archéologue, historien, musicien et philanthrope.
Bordeaux montre, au musée d’Aquitaine, « Vénus et Caïn », passionnante exposition, plongée dans la préhistoire vue depuis le XIXe siècle, et, cerise sur le gâteau, une sculpture de Jules Blanchard (1832-1916) de 1886, le plein âge d’or de la sculpture française, intitulée précisément Une découverte.
Le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Dole fourmille d’idées. Il présente des plaquettes décoratives en ivoire provenant d’une reliure du XIe siècle, dont deux éléments appartiennent à ses collections et un au musée du Louvre. Dans la salle voisine, l’exposition consacrée au peintre Jules Machard (1839-1900) est l’occasion de montrer des tableaux de la seconde moitié du XIXe siècle, œuvres d’Isidore Pils, Charles-Auguste Bouvier ou Mariano Fortuny, et pour compléter ce remarquable ensemble, la fondation Louis Jeantet de Genève vient de faire don au musée de cinq peintures d’Auguste-Emmanuel Pointelin (1839-1933), un paysagiste oublié dont plusieurs œuvres se trouvent à Dole. Tout conservateur est d’abord un chercheur, un enquêteur.
Le roman policier est d’ailleurs au rendez-vous : Orléans, Arthenay, Gien, Montargis et Châteauneuf-sur-Loire se sont associés pour confier à six auteurs de polars un parcours dans les collections. À Châteauneuf-sur-Loire, c’est Frédéric H. Fajardie lui-même qui déroute le visiteur. Au musée de l’abbaye de Sainte-Croix des Sables-d’Olonne, on a placé à l’honneur les artistes contemporains Bernard Aubertin, Marcelle Cahn, Olivier Debré, Xavier Krebs, François Morellet... Tous feraient d’excellents personnages de polars et l’on rêve d’un Morellet jonglant avec de mystérieuses boules de gomme.