En difficulté financière depuis une vingtaine d’années, la verrerie Daum, fondée en 1878, vient d’être placée en redressement judiciaire. La direction va déposer un plan de continuation qui devrait permettre à l’entreprise de survivre, sans toutefois éviter la casse puisqu’il s’accompagnera de licenciements.
NANCY - Le 2 septembre, la célèbre verrerie Daum, dont le siège social est situé à Levallois (Hauts-de-Seine), a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nanterre. “Ce week-end, les gens ont défilé pour nous dire qu’ils étaient solidaires et attristés, qu’ils se sentiraient malheureux si la cristallerie quittait Nancy aujourd’hui”, a déclaré la directrice du magasin d’usine à Nancy. Pour nombre de Nancéens, ce haut lieu de l’Art nouveau est intimement lié à la cité lorraine : la signature Daum était d’ailleurs associée jusqu’en 1925 sous chaque pièce de verre au nom de “Nancy” frappé d’une petite croix de Lorraine. Déjà, en 1994, la ville avait acquis le site industriel en échange du maintien à Nancy d’une partie de l’activité de la manufacture.
Didier Segard, qui dans le passé a été en charge des dossiers Moulinex, Brandt ou Dunlop, a été nommé administrateur judiciaire par le tribunal de commerce. “La situation n’est pas catastrophique. Daum fonctionne et continuera de fonctionner. Je ne suis pas inquiet pour la continuité de l’entreprise”, a-t-il assuré, ajoutant que le dépôt de bilan devrait permettre d’“assainir une situation de trésorerie difficile”. Selon la direction, la maison fait les frais d’une “conjoncture économique déprimée” pour l’industrie du luxe, avec une trésorerie fragilisée par des provisions pour charges à la suite du plan social de 2001. Ses pertes se sont montées à 5 millions d’euros (charges comprises) en 2002 pour un chiffre d’affaires de 23 millions d’euros. La direction entend déposer un plan de continuation qui devrait s’accompagner d’une réduction d’effectifs. Daum emploie actuellement quelque 300 salariés, dont 250 sont basés près de Nancy. Dans les années 1970 encore, les cristalleries comptaient plus de 2 000 employés. Mais l’entreprise a amorcé voilà une vingtaine d’années un déclin ponctué de dépôts de bilan, rachats et plans sociaux. Rachetée par Sagem pour le franc symbolique en 1996, elle était revendue quatre ans plus tard aux actuels actionnaires, parmi lesquels Axa, le Crédit agricole, BNP Paribas ou SNVB.
Privilégier les transparences
La verrerie de Nancy a été fondée en 1878 par Jean Daum, un notaire mosellan qui avait fui l’annexion allemande. Ses fils, Auguste et surtout Antonin, lui donnèrent ses lettres de noblesse en associant la fabrique aux grands noms de l’Art nouveau : Majorelle, le maître verrier Jacques Gruber ou le dessinateur Henri Bergé. Avec Émile Gallé, fondateur du mouvement, Antonin Daum fut vice-président de la fameuse École de Nancy, fer de lance de l’Art nouveau. La famille Daum dirigea l’établissement jusqu’en 1987. La production fut unanimement reconnue pour ses lampes nénuphar en pâte de verre ou ses vases aux paysages japonisants gravés à l’acide. À l’issue de la Première Guerre mondiale, la réalisation de pièces Art nouveau se poursuivit conjointement à une production Art déco. Développée par Paul Daum, cette nouvelle esthétique, qui usait de formes géométriques et de couleurs nouvelles, connut un franc succès lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs à Paris, en 1925. Après la Seconde Guerre mondiale, Henri et Michel Daum prirent la tête de l’entreprise et décidèrent de privilégier les transparences du cristal et les formes épurées. À la fin des années 1960, la marque s’est même adressée à des artistes comme Salvador Dalí ou César pour des sculptures en tirage limité et, plus récemment, à Hilton Mac Connico, Garouste et Bonetti, ou encore Christophe Pillet pour créer des modèles en pâte de verre.
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Daum en difficulté
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°177 du 26 septembre 2003, avec le titre suivant : Daum en difficulté