Territoire

Dans les pas de Lille 2004

Le Journal des Arts

Le 30 décembre 2014 - 1001 mots

Mons veut reproduire l’effet « Lille 2004 » pour métamorphoser une cité longtemps en déshérence et enclencher une nouvelle dynamique.

La comparaison revient sans cesse : la volonté de faire de Mons 2015 la nouvelle Lille 2004 est dans tous les esprits. Une région industrielle en crise, une fierté perdue, un secteur culturel en friche et sans vision commune, un acteur politique de premier plan au niveau national (Martine Aubry à Lille et Elio Di Rupo à Mons) : les ingrédients de départ semblent sensiblement les mêmes. Le budget alloué à l’année Capitale est équivalent : 75 millions d’euros pour Lille, 70 millions pour Mons.

De quoi alimenter les parallèles dès le départ, d’autant que l’engouement dès 2003 de Mons pour une candidature est né directement des préparatifs de Lille. À l’époque, Yves Vasseur, chargé du renouveau des arts vivants à la municipalité montoise, travaille en collaboration directe avec Didier Fusillier au Manège de Maubeuge-Mons, scène transfrontalière : « J’ai eu la chance inouïe d’avoir vécu au jour le jour, sans y être mêlé, le travail de Didier Fusillier, j’ai été à l’école de Lille 2004 », confie le commissaire général.

Une petite ville aux grandes ambitions
De fait, dès son élection, le bourgmestre (maire de la ville) Elio Di Rupo lance des projets tous azimuts dans une petite ville de 90 000 habitants marquée alors par un taux de chômage avoisinant les 30 % et un revenu moyen par habitant inférieur de 10 % à la moyenne nationale. Des chiffres qui permettent pourtant au bourgmestre de décrocher des enveloppes importantes du Fonds européen de développement régional (Feder) et de la région Wallonne : rien qu’entre 2007 et 2013, 108 millions d’euros sont octroyés par le Fonds pour le renouveau de Mons. Près de 20 millions d’euros (dont 40 % issus du Feder) sont engagés au réaménagement des voiries et aux ravalements des façades.
En 2006, Santiago Calatrava emporte le concours architectural de la nouvelle gare pour un budget de 155 millions d’euros et en 2011, Daniel Libeskind celui du nouveau centre des Congrès. Des grands noms pour promouvoir le nouveau quartier de la gare. En 2009, Google choisit Mons parmi 26 autres villes européennes pour installer son premier Data Center sur le Vieux Continent. Suivent IBM, Hewlett Packard et Microsoft : Mons cible les nouvelles industries numériques et forge des passerelles avec son université pour mettre en avant les industries créatives.

En 2002, Mons est nommée capitale culturelle de la Région wallonne : le tourisme culturel est au cœur de l’axe offensif du maire qui décide de mettre en valeur les classements Unesco sous l’impulsion du classement du Beffroi de la ville en 1999 dans la candidature commune des beffrois de France et de Belgique et celle des minières de Spiennes classées en 2000. La fête de la Ducasse ou Doudou, qui reprend le mythe de saint Georges combattant le dragon, est classée au patrimoine immatériel en 2005. Mons a un passé important entre Moyen Âge et Europe moderne tiraillée entre la France, l’Espagne et l’Autriche.

Amorce d’un renouveau économique et muséal
« La stratégie est clairement de faire passer un cap à Mons et la capitale européenne de la culture est un drapeau posé sur une montagne », explique Xavier Roland, directeur du pole muséal de la Ville de Mons. « Nous avions un patrimoine important à remettre en valeur et la candidature a été le détonateur pour enclencher le renouveau muséal », poursuit l’homme à la tête de treize institutions, dont cinq ouvrent ou rouvrent en avril, financées en grande partie par le fameux Fonds Feder. Le Beffroi baroque, fermé depuis trente ans, rouvre enfin sur les hauteurs de la ville, dans un site conçu en forme de balade panoramique. Le Musée des minières de Spiennes, le Silex’s, à 6 km du centre-ville, ouvre ses portes pour expliquer et faire visiter 2000 ans d’exploitation de carrières de silex, un projet de 4 millions d’euros commencé en 2008. Pour les nouveaux musées du centre-ville, Mons a fait d’une pierre deux coups : « Calatrava et Libeskind sont en train de livrer des architectures contemporaines emblématiques, mais en ville, beaucoup de bâtiments étaient en train de sombrer : on a choisi de réhabiliter et de donner une seconde vie à notre patrimoine », souligne Xavier Roland. L’ancien Mont-de-Piété, datant du XVIIe siècle, qui accueillait un musée folklorique vieillissant, a subi une rénovation de 7 millions d’euros pour faire place à un Musée du Doudou, centre d’interprétation des pratiques festives européennes. Pour le Mons Memorial Museum, musée d’histoire militaire, la ville a choisi l’ancienne Machine à eau pour faire le lien avec le Cimetière de Saint Symphorien, haut lieu de tourisme mémoriel de la Première Guerre mondiale pour les Britanniques. Ce projet à lui seul a engagé la réflexion de toutes les équipes du pôle muséal, en liaison avec les urbanistes de la ville pour un budget somme toute réduit de 10 millions d’euros, au vu des 3 000 m2 de superficie.
Enfin, capital pour le futur des musées de la ville, l’ancien Couvent des Ursulines du XVIIIe, défiguré après la Seconde Guerre mondiale par des niveaux intérieurs en béton devient l’« Artothèque » de la ville : sur six niveaux, le centre de conservation mutualisé des toutes les collections des treize musées de la ville, mais aussi le centre de documentation et de restauration, ouvert au public dans des ateliers pédagogiques et une « artothèque virtuelle » immersive grâce à la numérisation des fonds montois. « Outre une émulation des projets scientifiques entre les différentes institutions, cela crée évidemment des économies d’échelle dans la mutualisation », résume Xavier Roland.

Comme à Lille, il faut maintenant convaincre les habitants du bien fondé de tous ces investissements financés à hauteur de 10 % par la Ville : le succès de l’exposition « Andy Warhol » en 2013 dans un Musée des beaux-arts remis aux normes pour des prêts internationaux, attirant 84 000 visiteurs a déjà rassuré les commerçants du centre-ville sur les retombées économiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°426 du 2 janvier 2015, avec le titre suivant : Dans les pas de Lille 2004

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