Cultura prend le relais de Tefaf et mise sur l’archéologie

Au départ, le salon de Bâle sera beaucoup plus spécialisé

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 22 octobre 1999 - 926 mots

La décision du conseil d’administration de la European Fine Art Foundation de mettre fin à Tefaf Bâle avant son cinquième anniversaire n’a pas découragé les bonnes volontés. Une société présidée par le juriste suisse Bernard Hammer, assisté des marchands Miklos von Bartha et Ben Janssens, prend le relais en organisant une nouvelle foire baptisée « Cultura ». Elle offrira du 13 au 21 novembre, au Messe Basel, une importante sélection d’antiquités égyptiennes, grecques et romaines. On découvrira aussi douze expositions présentées par des musées et des marchands. Miklos von Bartha, vice-président de Cultura Management S.A., répond aux questions du Journal des Arts.

Cultura parviendra-t-elle à attirer les collectionneurs qui avaient fait défaut à Tefaf Bâle ? De la réponse à cette interrogation dépendra probablement son succès ou son échec. Environ 16 000 visiteurs avaient fréquenté le salon bâlois l’an dernier, alors que 64 000 personnes ont foulé les allées du hall des expositions de Maastricht en mars 1999. Montée en moins de six mois, Cultura a néanmoins réussi à réunir 72 exposants (130 marchands étaient présents à Tefaf Bâle en 1998). Privés d’informations sur la tenue de la nouvelle manifestation, certains antiquaires et galeristes ont pris des engagements pour exposer dans d’autres salons, comme celui de Munich. La nouvelle foire, organisée avec le soutien de l’Union de banques suisses (UBS), également sponsor d’Art Basel depuis 1994, enregistre ainsi quelques défections importantes, dont celles des marchands d’art primitif Bernard de Grunne, Bernard Dulon, Kevin Conru, Lin et Émile Deletaille. Échaudés par les résultats peu satisfaisants de la dernière édition de Tefaf Bâle, ils n’ont pas souhaité faire le déplacement. “Plusieurs grands marchands ne viennent plus à Bâle parce que la foire n’était pas rentable pour eux, soutient Émile Deletaille. Tefaf Bâle a souffert des insuffisances de ses campagnes publicitaires, mais aussi du dédain de la clientèle du sud de l’Europe qui boudait le salon.” Certains, comme le Bruxellois Bernard de Grunne, ont abandonné Bâle au profit de la foire de Munich organisée fin octobre. “On aurait pu développer un marché à Bâle mais il aurait fallu être patient et persévérer deux ou trois années supplémentaires”, souligne-t-il.

C’est le pari qu’a fait Santo Micali, de la galerie Mermoz, qui exposera pour la cinquième fois à Bâle, en novembre. “Un salon est un investissement de longue haleine, un pari sur l’avenir. Il serait incohérent d’abandonner après quatre participations. Cultura a des potentialités. Il y a de grands collectionneurs en Suisse, et le salon est à même d’attirer des clients français, anglais et italiens”, explique le marchand d’art précolombien. Plusieurs galeries spécialisées dans les tableaux des XIXe et XXe siècles, dont celles de Philippe Heim ou Frédéric Paul (L’Ergastère), n’ont pas non plus souhaité faire le voyage. “J’ai exposé trois fois à Bâle, mais je ne suis pas parvenu à me constituer une clientèle, remarque Philippe Heim. La dernière édition a été catastrophique pour plusieurs marchands de tableaux XIXe et modernes.”

Première place mondiale pour l’archéologie
L’archéologie – égyptienne, grecque et romaine – constituera le point fort du salon. Elle sera défendue par une vingtaine d’antiquaires, parmi lesquels figurent Herbert Cahn (Bâle), la galerie Samarcande (Paris), Royal-Athena Galleries (New York) et la galerie Rhéa (Zurich). “Bâle est devenue la première place mondiale pour l’archéologie, assure Didier Wormser, de la galerie L’Étoile d’Ishtar. Il n’y a pas d’autre endroit au monde où l’on puisse trouver autant de spécialistes en un même lieu.”

Une place importante sera faite au design et aux arts décoratifs du XXe siècle. Cultura comprendra également une importante section de livres et manuscrits enluminés, dans laquelle le marchand parisien Pierre Berès exposera notamment une édition critique des Œuvres d’Ovide, enrichie de 57 dessins originaux de Jan Claudius de Cock, peintre anversois du XVIIIe siècle. Les reliures, dues à Pierre Anguerrand, ont été exécutées pour Chrétien-François de Lamoignon (1735-1789), président au Parlement de Paris puis garde des Sceaux. Dans la section archéologie, la galerie L’Étoile d’Ishtar mettra en vedette un bas-relief représentant le buste d’une princesse de la famille royale amarnienne (1353-1333 av. J.-C.), fille des souverains Akhenaton et Néfertiti, ainsi qu’une statuette en bronze du taureau sacré Apis en position de marche. La galerie Arte Classica (Lugano) a sélectionné une korê étrusque en terre cuite (VIe siècle av. J.-C.), et Michael G. Petropoulos, de la galerie Rhéa, un fragment d’une stèle grecque où figure une belle femme (IIe siècle av. J.-C.) et un buste en marbre attribué à Lucius Aelius. L’art précolombien sera représenté principalement par Santo Micali, qui exposera une urne funéraire Zapotèque (Mexique, 450-750 ap. J.-C.) en terre cuite brun beige. Décorée de chaque côté d’une tête de serpent vue de profil et de deux rangées de plumes, elle représente un prêtre du clan du dieu de la pluie Cocijo.

Une nouveauté : six musées présents
Plus qu’un salon, Cultura se veut un musée éphémère. Outre ses 72 marchands, la manifestation accueillera douze expositions, dont celle de la Fondation Leschot de Berne avec des œuvres de Richard Deacon. Sous le titre “Catena Aurea”, le marchand Heribert Tenschert montrera vingt-cinq manuscrits datant pour la plupart du Moyen Âge. Le Musée Vitra Design présentera quelques pièces de sa collection de design du XXe siècle. “Mille ans de numismatique à Bâle”, organisée par UBS Numismatique, proposera un panorama historique de la frappe de la monnaie. Une nouveauté : pas moins de six musées seront présents, tels le Musée des antiquités classiques et des collections Ludwig (arts grec, étrusque et romain), le Musée des beaux-arts (œuvres d’Holbein), le Musée juif de Suisse (céramique des Temps bibliques) et le Musée des cultures.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°91 du 22 octobre 1999, avec le titre suivant : Cultura prend le relais de Tefaf et mise sur l’archéologie

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