Au nom de l’artiste La Fondation Giacometti a exigé de la Pinacothèque de Paris le versement de droits sur l’usage du nom « Giacometti », arguant avoir déposé le nom de l’artiste auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle. Très critique sur la pertinence de l’exposition « Giacometti et les Étrusques », la Fondation semble moduler ses tarifs en fonction des organisateurs. Cette exploitation du droit moral n’est pas sans poser problème.
PARIS - La Fondation Alberto et Annette Giacometti n’apprécie guère le sujet de la dernière exposition de la Pinacothèque de Paris (lire p. 12) et n’a pas manqué de le faire savoir. Alors que le musée privé parisien de la place de la Madeleine vient d’inaugurer « Giacometti et les Étrusques », qui confrontera, jusqu’en janvier 2012, des sculptures de l’artiste aux figurines étrusques censées l’avoir inspiré, le site Internet de la Fondation cotitulaire des droits moraux et patrimoniaux de l’artiste est loin d’en faire l’éloge. « Association superficielle et arbitraire », « synthèse aux conséquences néfastes » : Véronique Wiesinger, sa directrice, ne mâche pas ses mots à propos du choix de cette confrontation.
Un sujet non pertinent
Sont également publiés sur le site de la Fondation des extraits des pages surprenantes du catalogue d’une exposition organisée en mars 2011 à la Villa Manzoni, à Lecco (Italie).Véronique Wiesinger y réfute l’existence de tout lien entre l’art du sculpteur et les figurines en bronze filiformes étrusques, parmi lesquelles la célèbre Ombre du soir. « J’ai obtenu de publier ce texte pour accompagner le prêt d’œuvres authentiques en remplacement de deux contrefaçons qui devaient être exposées à Lecco. » En d’autres termes, le musée italien, trompé par des faux, n’a guère eu le choix que de critiquer sa propre exposition. « Deux mois plus tard, quand Marc Restellini m’a contactée en m’expliquant qu’il voulait reprendre le sujet pour la Pinacothèque, je lui ai redit la même chose : que ce sujet n’était pas pertinent », poursuit Véronique Wiesinger.
Le directeur de la Pinacothèque ayant maintenu son projet, la Fondation, réputée pour son goût du contentieux, a sorti l’artillerie lourde. Par l’intermédiaire de son conseil, elle a exigé de percevoir des droits sur l’utilisation du nom de « Giacometti » au motif que celui-ci – ainsi que neuf autres appellations afférentes (Comité, Fondation…) – est déposé à l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi). Comme une simple marque commerciale. « Une somme très symbolique » aurait été exigée et obtenue dans le cadre d’un accord « qui ne regarde personne ». « Cela n’a rien d’extraordinaire », explique Véronique Wiesinger, qui précise que la Fondation ne pratique aucun barème. « Nous faisons valoir nos droits sur l’exploitation de la notoriété de Giacometti. Nous engageons des frais considérables pour défendre son nom. »
Pourtant, la Fondation admet, à mots couverts, choisir ses cibles, le Centre Pompidou n’étant pas nécessairement traité à la même enseigne que la Pinacothèque. Celle-ci étant une société commerciale, la Fondation, reconnue d’utilité publique, a donc décidé de percevoir son écot. « Mais le droit d’auteur prévoit aussi que ne pas indiquer le nom de l’artiste serait contraire au droit moral ! Cela s’appelle le droit au respect du nom », rappelle un expert, inquiet de cette nouvelle dérive dans l’exploitation des droits d’auteur. Par crainte d’un contentieux – et après avoir essuyé une perte sèche à la suite de l’annulation de l’Année du Mexique –, Marc Restellini, qui se refuse à tout commentaire, se serait pourtant plié à ces exigences peu communes.
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Coup de grisou sur le droit au nom
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Abonnez-vous dès 1 €Affiche de l'exposition "Giacometti et les Étrusques" - Pinacothèque de Paris - 2011
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°353 du 23 septembre 2011, avec le titre suivant : Coup de grisou sur le droit au nom