PARIS
PARIS - Depuis le samedi 15 juin, conformément à la demande du ministère de la Culture et de la Communication, les visiteurs de l’exposition « Foyer Fantôme » de la Palestinienne Ahlam Shibli peuvent lire ces lignes en préambule : « afin d’éviter tout malentendu, le Jeu de paume souhaite préciser que dans la série \"Death\", l’artiste Ahlam Shibli présente un travail sur les images qui ne constitue ni de la propagande, ni une apologie du terrorisme ».
Comme l’artiste l’explique elle-même : « Je ne suis pas une militante. Mon travail est de montrer, pas de dénoncer, ni de juger. “Death” explore la manière dont les Palestiniens disparus, “martyrs” selon les termes repris par Ahlam Shibli, sont représentés dans les espaces publics et privés (affiches et graffitis dans les rues, inscriptions sur les tombes, autels et souvenirs dans les foyers…), et retrouvent ainsi une présence dans leur communauté. Toutes les photographies de cette série sont accompagnées de légendes écrites par l’artiste, inséparables des images. » Avertissement qui se répète lorsqu’on arrive dans la salle réservée à cette série, objet d’une pluie de protestations du Conseil représentatif des organisations juives de France (CRIF) et de diverses autres associations juives qui accusent cette exposition de faire « l’apologie du terrorisme » et « d’être une entreprise de propagande peu conforme à la neutralité d’un établissement public et culturel ».
Face à la polémique, le ministère de la Culture a tranché en demandant au Jeu de paume « de compléter l’information donnée aux visiteurs » et s’est désolidarisé de l’institution muséale, jugeant les « nombreuses réactions compréhensibles » et « la neutralité revendiquée » de l’artiste capable, « en elle-même de choquer et donner lieu à de mauvaises interprétations, puisqu’elle n’explique pas le contexte des photographies qui n’est pas celui de la perte, mais qui est aussi du terrorisme. »
Ahlam Shibli n’est pourtant pas la première photographe à aborder le thème du martyr au Proche-Orient et l’iconographie qu’elle a inspirée. Bien d’autres avant elle l’ont traité dans des reportages publiés dans la presse ou présentés dans des festivals. Telle la série « Gaza : Al Aqsa Martyr Brigades » de Paolo Pellegrin réalisée en 2002, où apparaissent des portraits de martyrs cagoulés armes à la main ou la série « Gaza’s Martyrs Art » d’Abbas, autre photographe de Magnum qui s’est attaché à rendre compte de l’iconographie de ces combattants morts pour la Palestine, là à travers leurs portraits peints sur les murs. Par ailleurs, « Death » est une partie intégrante de l’œuvre d’Ahlam Shibli menée depuis dix ans dans différents pays sur la perte du « chez soi ». Sans jamais se départir d’une neutralité, d’une finesse et d’une précision radicale, tant dans les images que dans les textes inséparables qui les accompagnent. Cette polémique renvoie à celle suscitée par l’exposition « Gaza 2010 » de l’Allemand Kai Wiedenhöfer au Musée d’art moderne de la Ville de Paris qui provoqua les mêmes protestations du Crif.
La situation semble propre à la France puisque présentée d’abord au Musée d’art contemporain de Barcelone, coproducteur de la rétrospective, « Foyer Fantôme », n’a suscité aucune protestation, pas plus qu’à Londres où a été organisée le 12 juin dernier à la Whitechapel Gallery, un dialogue entre Jean-François Chevrier et Ahlam Shibli.
Titre original de l'article du Jda : "Controverse"
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Controverse au Jeu de Paume
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Controverse au Jeu de Paume