Entretien avec Christophe Daviet-Thery, éditeur, commissaire et libraire, spécialisé dans les livres d’artistes contemporains.
Quelle est votre définition du livre d’artiste ?
On doit la définition de référence, qui structure le livre comme œuvre, au travail d’Anne Moeglin-Delcroix centré sur les années 1960-1970 : un livre à un prix abordable, édité selon un tirage non défini, donc illimité… Cependant lorsque j’ai commencé mon activité, après avoir fait des études d’histoire de l’art et de droit, j’ai considéré que je ne pouvais pas rentrer dans cette discipline en m’enfermant dans une définition. En 2008, par exemple, j’ai présenté l’ensemble des ouvrages de Richard Long ; la collection comptait 90 titres, parmi lesquels figuraient des catalogues. Au fond ce qui m’intéresse, c’est d’inventer le métier de libraire pour le perpétuer, sans me prosterner devant un supposé âge d’or et une génération d’artistes (Ed Ruscha…) qui étaient eux-mêmes en rupture avec les conventions.
Comment avez-vous commencé à exercer ?
D’abord en partageant un lieu avec les galeries gb agency et In Situ au sein duquel j’ai créé une librairie. Cette approche me plaisait, car elle n’isolait pas le livre, trop souvent considéré comme le parent pauvre de l’art. Lorsque j’ai ouvert mon propre lieu, je l’ai conçu comme un cabinet d’amateur : il a fonctionné à la manière d’un espace d’exposition jusqu’à sa fermeture en 2016. À l’époque, et c’est toujours le cas, je n’avais que très peu de clients à Paris ; cela me conduit à beaucoup voyager.
Comment définiriez-vous votre activité ?
Sur mon compte Instagram, qui me permet d’échanger avec des clients de Hongkong ou à Melbourne, j’ai choisi le hashtag « #bookadviser ». Je mets l’accent sur le conseil, avec un intérêt marqué pour les parutions contemporaines. Je travaille pour plusieurs institutions étrangères – parmi lesquelles le Macba à Barcelone – dont je complète les fonds d’acquisition. Et j’ai une clientèle de particuliers, construite avec l’ambition d’amener vers le livre des gens qui ne s’y intéressaient pas forcément. Je suis convaincu que la création contemporaine, au même titre que la musique, la cuisine ou la mode, doit se vivre au quotidien. Les livres d’artiste, qui sont abordables, rendent cela possible.
Vous êtes également éditeur et commissaire d’exposition ?
Oui, il n’y a pas de frontières pour moi entre ces domaines, plutôt une circularité. L’édition obéit à des processus très lents, souvent intuitifs, mon rôle consistant à pousser les artistes dans leur retranchement pour parvenir à la justesse : l’adéquation entre l’idée et la forme. Il m’arrive de mener des projets plus apparentés à la bibliophilie, comme Fragments of Travel : Exploration and Adventure [avec Xn Éditions, 2007] de Mark Dion, mais aussi de publier des catalogues tel Allan Kaprow. Posters, qui rassemble les affiches de cet artiste américain, père des happenings. Mais je ne pars jamais du principe que je vais publier une édition volontairement limitée pour organiser la rareté. Actuellement je travaille sur le second volume consacré aux publications de Richard Prince, dont je suis un grand fan. Et j’édite en mars un projet de Jochen Lempert en trois volumes, proposé 45 euros à la vente et tiré à 400 exemplaires ; vous voyez donc qu’il s’agit d’une micro-économie.
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Christophe Daviet-Thery : « J’ai conçu ma librairie comme un cabinet d’amateur »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°495 du 16 février 2018, avec le titre suivant : Christophe Daviet-Thery : « J’ai conçu ma librairie comme un cabinet d’amateur »