D'étranges figures diaboliques saisies par on ne sait quelle danse de Saint-Guy, une foule de têtes aux allures de crânes vaniteux dont les yeux rouges exorbités vous dardent d’une manière inquiétante, des cohortes de mariées dont le visage est surmonté de deux grandes oreilles les transformant en d’improbables personnages, de charmantes peluches d’animaux engluées dans la peinture blanche…
Le monde de Christian Lhopital est hors norme. Il y va du rêve et du cauchemar, du dérisoire et du grotesque, du grinçant et du risible, versant romantisme à la William Blake, symbolisme à la Rops, expressionnisme à la Kubin, le tout mêlé par le dessin sur des feuilles à portée de main ou en surface d’immenses wall drawings.
Un monde énigmatique
Originaire de Lyon, né en 1953, sorti de l’École des beaux-arts en 1976, Christian Lhopital, fou de Fluxus, a d’abord hésité à abandonner toute pratique artistique, se cantonnant à faire de façon jubilatoire et compulsive des quantités de dessins au stylo bille sur du papier à lettres. Puis il s’est fait connaître dans les années 1980, en un temps de retour à la peinture et à la figure, en jouant et déjouant tous leurs possibles, entre épiphanie et disparition. Il recouvrait alors ses dessins de lavis d’encre de Chine puis de gesso pour composer avec les fragments de traces quasi pétrifiées qui apparaissaient en surface après séchage. De ces recouvrements émergeait à nouveau la possibilité de la figure.
Vint un autre temps où l’artiste se prit de passion pour un matériau somme toute banal, le graphite, à ceci près qu’il fit le choix de l’utiliser non pas sous la forme convenue du crayon mais en fine poudre applicable soit à la main, soit avec des chiffons. De passer alors de la feuille au mur et, dans ce passage, de gagner étendue et ampleur, jusqu’à la dimension panoramique comme au Musée d’art contemporain de Lyon en 2008 où il a réalisé à 360 degrés un immense dessin mural sur le thème L’énigme demeure.
Énigmatique, c’est le moins que l’on puisse dire de ce monde de figures que brosse Christian Lhopital et dans lequel il invite le regard à plonger. « Des figures qui sont comme des pieds de nez et des pirouettes malicieuses, dit-il. Le regardeur a toute liberté d’interprétation et d’ouverture comme une brèche dans l’image et l’imaginaire. »
De taille moyenne, le cheveu noir et court, les sourcils épais, le regard profond, l’homme est discret, voire réservé. La voix est chaleureuse, sans éclats. C’est dire qu’il est à l’opposé même de ce qu’il nous donne à voir. De ces vertiges d’images qu’emportent volontiers dans ses wall drawings des trombes de volutes graphitées qui le débordent lui-même. « Je vais là où m’emmène le dessin ; il pourrait ne pas s’arrêter, devenir infini. »
Parmi les dessins présentés actuellement à Saint-Étienne, une nouvelle série intitulée Écho organise toutes sortes de compositions cosmogoniques qui contribuent à certifier cette envie d’espace. Tout comme cette autre série – Quand la nuit tombe, je pleure – envahie de papillons, occasion pour Christian Lhopital de faire preuve d’un talent de coloriste digne de Redon. Entre trouble et ravissement.
1953 Naissance à Lyon.
1976 Diplômé de l’École nationale des beaux-arts de Lyon.
2013 Vit et travaille à Lyon.
Christian Lhopital est représenté par les galeries Polaris (Paris-3e) et Domi Nostrae (Lyon-3e).
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Christian Lhopital - Le dessin entre trouble et ravissement
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Abonnez-vous dès 1 €« Christian Lhopital, splendeur et désolation », Musée d’art moderne de Saint-Étienne, rue Fernand-Léger, Saint-Étienne (42), jusqu’au 26 mai 2013, www.mam-st-etienne.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°657 du 1 mai 2013, avec le titre suivant : Christian Lhopital - Le dessin entre trouble et ravissement