Photographie

Charlot à l’Élysée

Le Journal des Arts

Le 1 février 2011 - 536 mots

Le Musée de l’Élysée à Lausanne, dédié à la photographie, va bénéficier du dépôt du fonds Chaplin, riche de plusieurs milliers de clichés.

LAUSANNE - Le 9 février, le Musée de l’Élysée à Lausanne (Suisse) recevra en dépôt le fonds photographique Chaplin, riche de plus de 10 000 clichés datés des années 1910 à 1977 et qui documentent la carrière de l’acteur. À la tête depuis mai 2010 de ce musée cantonal vaudois, le Français Sam Stourdzé, qui fut le commissaire de l’exposition « Chaplin et les images » montrée en 2005 au Jeu de paume à Paris, puis à Lausanne en 2006. Celui-ci  est resté proche de sa famille. « Il n’y a eu ni jeu de concurrence ni surenchère par d’autres institutions car notre proposition a été négociée en exclusivité. La réputation du Musée de l’Élysée, l’un des meilleurs musées de photographie au monde, et les liens historiques de Chaplin avec la Suisse (où il vécut durant ses dernières vingt-cinq années) ont emporté la décision de ses huit enfants », explique ce battant âgé de 36 ans.  Constituées de tirages d’époque et de négatifs, ces archives seront valorisées à travers des expositions, des publications et un projet pédagogique lancé en 2012 qui inscrira « Chaplin à l’école ». Le fonds dévoile des scènes rares telles que l’acteur en train de répéter des acrobaties dans ses studios à Hollywood, des photos de plateau comme des clichés intimes en compagnie de Winston Churchill ou du chef d’orchestre Yehudi Menuhin. À partir de 1953, les pitreries familiales de Charlot sont fixées par sa femme, Oona, dans leur manoir de Ban à Corsier-sur-Vevey, proche de Lausanne, où devrait ouvrir en 2013 un musée Chaplin ludique. 

Photographié par Steichen
Au nombre des pièces majeures du dépôt figurent deux portraits de l’acteur par Edward Steichen en 1925 pour le magazine Vogue et l’album du studio Keystone. Celui-ci, comprenant 750 photos qui retracent ses 35 premiers films, sera édité en fac-similé. La valeur du fonds excéderait 10,2 millions d’euros. « Les chiffres ne veulent rien dire car sa valeur historique et cinématographique est inestimable », insiste Kate Guyonvarch, directrice de l’Association Chaplin, qui gère les droits patrimoniaux des héritiers à travers Roy Export et autres sociétés signataires.  Selon l’accord, renouvelable, le fonds, déposé à titre gratuit, ne pourra être ni retiré ni vendu durant dix ans. Cette clause a permis d’obtenir un budget de conservation chiffré à un million de francs suisses (800 000 euros) sur trois ans, réparti entre la Confédération helvétique, le canton de Vaud et des sponsors privés. Déjà, la conservatrice Carole Troufleau-Sandrin, affectée au fonds Chaplin, vient d’être recrutée par la Société photographique française (SFP). Le Musée de l’Élysée prêtera ses photos au futur musée Chaplin, tandis que ses archives, mises en ligne, établiront une synergie avec le « projet Chaplin », base de données numérique de la cinémathèque de Bologne (Italie). Le Musée de l’Élysée, qui conserve 100 000 images, développe une stratégie ambitieuse : palliant son mince budget d’acquisition, un pôle d’excellence de conservation muséale devrait attirer d’autres prestigieux dépôts. « Ce pari est en voie d’être réussi », se félicite Sam Stourdzé, qui a fait entrer fin 2010 le fonds du reporter Gilles Caron.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : Charlot à l’Élysée

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