Le conseil général de l’Essonne vient d’annoncer que Judith Quentel ne sera pas reconduite en septembre à la direction du centre d’art du domaine de Chamarande. Cette décision inattendue illustre la fragilité de ces institutions régies par les collectivités territoriales.
CHAMARANDE - Depuis le 22 juin, une pétition circule pour condamner la décision du conseil général de l’Essonne de ne pas reconduire le mandat de Judith Quentel à la direction du centre d’art du domaine départemental de Chamarande (Essonne). Rien ne laissait présager cette mesure qui prendra effet dès septembre : le centre d’art enregistrait des résultats positifs, et Judith Quentel (qui n’a pas souhaité s’exprimer) venait de se voir confier la programmation d’un second domaine départemental (Méréville), sans remise en cause de ses autres missions. « Nous n’accusons pas seulement le non-renouvellement d’un CDD », précise Claire Le Restif, directrice du Crédac (Ivry) et présidente de l’Association française de développement des centres d’art, qui déplore surtout la brutalité de ce revirement, sans débat préalable avec l’intéressée. Cette situation précipite l’abandon des projets mis en place, y compris des expositions de la prochaine saison, ce qui met plusieurs artistes en difficulté. « Ce manque de communication en amont des décisions témoigne d’une politique mal assumée, qui ne s’exprime que par un procès d’intention », estime Claire Le Restif.
De leur côté, les élus voient ici un « non-événement », le second contrat d’une durée de trois ans de Judith Quentel arrivant actuellement à échéance. Michel Pouzol, vice-président chargé de la culture au Département, évoque un « besoin de renouvellement » d’une programmation ; il concède toutefois qu’il s’agit ici d’un sentiment subjectif. Laurent Bourdereau, directeur des domaines départementaux de Chamarande, pointe plus franchement « l’élitisme » d’une programmation qui viserait d’abord « la reconnaissance personnelle d’un “manageur culturel” ». Il tient aussi à corriger l’appellation « centre d’art », pour lui substituer celle de « lieu d’exposition d’une collectivité territoriale », « qui n’a pas les objectifs d’un centre d’art », argument que contredit selon Claire Le Restif la définition du poste de Judith Quentel. Sans dévoiler le nouveau cahier des charges, ces interlocuteurs insistent sur l’importance qui sera donnée aux « publics prioritaires » – « ou publics les plus éloignés de l’art » – dès la rentrée.
Absence de l’État
L’exemple de Chamarande atteste, un an après la fermeture du centre d’art de Kerguéhennec dans le Morbihan, la fragilité de ces structures, en particulier lorsqu’elles sont placées sous l’unique tutelle des collectivités locales, souvent versatiles. Les élus ne mesurent pas toujours le rôle de premier plan qu’ont joué depuis vingt ans ces institutions dans le paysage artistique, par leur mission de prospection, de production, mais aussi de médiation et de pédagogie vis-à-vis du public. Frédéric Paul, écarté dans les mêmes circonstances en juin 2010 de la direction du centre d’art de Kerguéhennec, regrette par ailleurs « l’absence totale de l’État en matière d’expertise comme d’accompagnement » des élus locaux. L’argument de la démocratisation peut, dans la perspective d’une réélection, « très vite dériver », souligne-t-il, s’inquiétant profondément de cette logique qui consiste « à donner au public ce qu’il souhaite voir ». « En deçà de ces divergences, c’est le projet de société qui est en jeu », conclut Claire Le Restif. L’apparent recul des ambitions artistiques à Chamarande illustre aussi les écueils d’une décentralisation culturelle mal accompagnée.
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Chamarande change de cap
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Abonnez-vous dès 1 €Château de Chamarande - © photo Remi Mathis - 2006 - Licence CC BY-SA 3.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°351 du 8 juillet 2011, avec le titre suivant : Chamarande change de cap