Annoncées avec la nouvelle année, les nominations au ministère de la Culture rompent avec la continuité qui avait prévalu depuis le changement de gouvernement. La relance de l’action territoriale figure au programme du ministère pour 2003. Reste à espérer qu’ici comme dans ses autres charges la Rue de Valois sera soutenue par la majorité gouvernementale. La loi de finances rectificative de fin 2002, tout comme l’amendement récent portant sur la loi relative à l’archéologie préventive, ne laissent malheureusement guère d’illusions quant aux “priorités”? du gouvernement Raffarin et du Parlement.
PARIS - Au ministère de la Culture, l’alternance gouvernementale semblait n’avoir eu que peu de répercussions. La continuité avait accompagné les premiers mois d’exercice de Jean-Jacques Aillagon et les équipes en place avaient été confirmées. C’est finalement avec le changement d’année qu’a été annoncé le renouvellement des équipes. Délégué aux Arts plastiques depuis 1998, Guy Amsellem a été remplacé par Martin Bethenod. Né en 1966, auparavant rédacteur en chef du magazine Vogue, ce dernier est un proche du ministre qu’il a accompagné dans nombre de ses affectations, de la Mairie de Paris au Centre Georges-Pompidou, où après avoir été chef de cabinet de Jean-Jacques Aillagon (1996-1998) il dirigea les éditions du Centre (1998-2001).
Parmi les dossiers qui attendent Martin Bethenod en 2003 figurent la “Galerie nationale pour l’image et la photographie” projetée par le ministre au Jeu de paume (lire le JdA n° 162, 10 janvier 2003) ainsi que la grande exposition estivale des Fonds régionaux d’art contemporain (Frac), qui fêteront cette année leur vingtième anniversaire.
Pour le reste, Martin Bethenod trouve une administration remaniée par son prédécesseur, qui a achevé les réformes statutaires de la délégation aux Arts plastiques (DAP). Les écoles nationales d’art bénéficient dorénavant toutes du statut d’établissement public, tout comme le Centre national des arts plastiques (Cnap) (lire encadré). Au sein du cabinet, Nelly Tardivier, chargée de mission pour les jardins, musées et affaires culturelles, prend en charge les questions concernant les arts plastiques et le marché de l’art. Elle remplace à ce poste Emmanuel Fessy (ancien directeur de la rédaction du Journal des Arts), nommé à tête du département de l’Information et de la Communication que dirigeait Jean-Paul Ciret, dorénavant président de Monum, Centre des monuments nationaux.
L’autre changement important concerne la direction de l’Architecture et du Patrimoine (DAPA), qui voit Michel Clément, délégué au Développement et à l’Action territoriale (DDAT) depuis 2001, succéder à Wanda Diebolt. Dans le même temps, le ministre a annoncé la création au sein de la DAPA d’une délégation à l’Architecture. Âgé de quarante-huit ans, conservateur général du patrimoine, spécialisé en archéologie, Michel Clément a occupé de nombreux postes au sein du ministère. Il a été successivement directeur régional des Affaires culturelles en Limousin (1992-1994), Bourgogne (1994-1998) et Pays de la Loire (1998-2001). Il apparaît donc comme un expert des questions touchant à la décentralisation, maître mot de la politique du gouvernement.
Ces mouvements s’inscrivent dans les axes des réformes souhaitées par Jean-Jacques Aillagon, à savoir, le “déblocage des freins” visant à un développement du mécénat et le “renouveau de l’action territoriale du ministère”, comme il l’a rappelé lors de ses vœux à la presse. Reste qu’ici comme ailleurs, la disposition du gouvernement à soutenir le ministère pourrait faire défaut au cours de l’année à venir. La première défection est intervenue en novembre dernier lors de la loi de finances rectificative pour 2002, qui “a entraîné une baisse des crédits de paiement de 0,34 % par rapport aux dotations ouvertes par la loi de finances initiale, précise Gilles Carrez, député UMP du Val-de-Marne dans le rapport de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Avec honnêteté, ce dernier estime que “ces annulations ont une incidence sensiblement plus importante qu’en 2001 : elles atteignent 40,65 millions d’euros de crédits de paiement (contre 28,6 millions d’euros en 2001) et 11,81 millions d’euros en autorisation de programme (contre 5,1 millions d’euros en 2001). En outre, ces annulations sont nettement supérieures aux ‘gels’ de crédits décidés au cours de l’été 2002 et qui se sont traduits, au total, par la ‘mise en réserve’ de 22 millions d’euros”. Ont donc été réduits dans “des proportions importantes” les crédits de paiement pour les investissements en faveur du patrimoine (- 4,9 millions d’euros soit 3,23 % des crédits initiaux) et les moyens prévus pour les travaux et les équipements des institutions culturelles (- 1,1 million d’euros soit 10,9 % des crédits initiaux). La loi de finances rectificative pour 2003, qui devrait intervenir à mi-parcours, sera-t-elle plus généreuse ? Difficile de se prononcer mais l’heure est à l’austérité. Le ministre de l’Économie et des Finances Francis Mer a annoncé un gel des crédits autour de 4 milliards d’euros, et le président Jacques Chirac n’a pas manqué de signifier lors de ses vœux aux fonctionnaires que l’“État va être amené à revoir le contour de ses missions”.
Si rien n’est précisé, difficile d’affirmer que les “priorités” du gouvernement Raffarin et de sa majorité répondent aux attentes du secteur culturel. L’adoption, dans la loi de finances 2003, d’un amendement visant à réduire d’un quart la redevance perçue sur les chantiers de construction par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) n’a pas manqué de soulever une levée de boucliers des archéologues, qui voient là “la liquidation des moyens humains de l’Inrap”. L’amendement a été adopté contre l’avis de Jean-Jacques Aillagon, qui entend d’ailleurs déposer un nouveau projet de loi à l’Assemblée nationale afin de réviser l’ensemble du dispositif (lire le JdA n° 160, 6 décembre 2002). Mais “pour l’heure, nous ne savons pas comment nous allons remplir nos missions”, juge Christophe Benoit de la CGT-Culture. “On peut se demander – c’est une question de principe – si l’archéologie, dans la mesure où elle est encouragée par une politique nationale, ne doit pas plutôt être financée par la solidarité nationale”, avait estimé lors de la séance d’adoption du texte Daniel Garrigue, député UMP de Dordogne – faut-il le rappeler, berceau européen de la préhistoire. Avec de tels réflexes, la décentralisation culturelle s’annonce sous de bons auspices...
Menée par l’ancien délégué aux Arts plastiques Guy Amsellem, la réforme du Centre national des arts plastiques (Cnap) a été achevée quelques jours avant son départ, avec le décret n° 2002-1512 du 23 décembre 2002. Créé en 1982, le Cnap regroupait aussi bien les écoles d’art, les manufactures, le Fonds national d’art contemporain (Fnac) que les soutiens à la création, tout en s’apparentant davantage à une branche de la délégation aux Arts plastiques (DAP) qu’à un véritable établissement public. La confusion avait été plusieurs fois soulignée par la Cour des comptes. La DAP se concentrera donc désormais sur son rôle d’administration centrale, et le Cnap sera dirigé par son propre directeur (autrefois le délégué adjoint aux Arts plastiques) et aura son propre président (auparavant le délégué aux Arts plastiques). Ces nominations auront lieu dans les semaines à venir. La Manufacture de Sèvres, celle des Gobelins et le Mobilier national vont, elles, prendre la forme de services à compétences nationales, sortant des services du Cnap. Les écoles d’art nationales de Bourges, Cergy, Limoges-Aubusson, Nancy, Dijon et la Villa Arson, à Nice, suivent un chemin comparable en accédant au statut d’Établissement public national placé sous la tutelle de la DAP. Le Cnap conserve donc dans ses services : le Fnac, l’aide aux artistes et à la création (Fiacre), et le centre de ressources. Il s’est également vu confier la mission d’organiser des actions de promotion dans le domaine des arts plastiques.
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Ça bouge déjà en 2003
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°163 du 24 janvier 2003, avec le titre suivant : Ça bouge déjà en 2003