Pour réduire le déficit abyssal du budget de l’État, 95,5 milliards d’euros en 2011, le gouvernement n’a au fond qu’une seule alternative s’agissant de celui de la Culture qui pèse une paille (2,8 milliards d’euros) face à la charge de la dette (40 milliards d’euros).
PARIS - Pour réduire le déficit abyssal du budget de l’État, 95,5 milliards d’euros en 2011, le gouvernement n’a au fond qu’une seule alternative s’agissant de celui de la Culture qui pèse une paille (2,8 milliards d’euros) face à la charge de la dette (40 milliards d’euros). Soit il opère des coupes franches en centaines de millions d’euros, comme en Angleterre ou aux Pays-Bas, avec des conséquences inimaginables et jamais vues sur l’emploi dans ce secteur, soit il maintient le budget en affichant une hausse cosmétique. Une solution intermédiaire, qui consisterait à baisser ce budget de quelques points, serait dérisoire en regard des enjeux et catastrophique en terme d’image dans un milieu qui sait se mobiliser et se faire entendre en toutes circonstances. Le ministre Jean-Jacques Aillagon se souviendra toute sa vie des intermittents du spectacle qui l’ont fait tomber.
Voilà pourquoi Frédéric Mitterrand peut se targuer d’avoir « sacralisé » le budget de son ministère, qui augmente de 0,9 % en crédits de paiement, amorçant cependant une décrue après les hausses prévisionnelles de 5,3 % en 2010 et 2,1 % en 2011. Le projet de budget de la Culture proprement dite (hors presse, livre et audiovisuel) progresse même de 2,4 % pour s’établir à 2,85 milliards soit 0,75 % du budget de l’État. En réalité il s’agit plus d’une stabilité compte tenu de l’inflation prévue (1,7 %) qui va grignoter cette hausse. Le ministre ne se réjouissait pas pour autant, lors de la présentation à la presse, adoptant un ton grave et morne qui ne le quitte plus depuis de longs mois, conscient sans doute qu’il joue là l’un de ses derniers actes forts de ministre en exercice. Il a dû aussi mesurer l’étroitesse de sa marge de manœuvre. Le budget de la Culture, comme celui de nombreuses administrations de l’État, est très fortement contraint par des dépenses difficilement compressibles. Même avec la suppression de 93 postes en 2011 sur les 30 000 fonctionnaires que compte le ministère (ce que Frédéric Mitterrand s’est bien gardé de communiquer), le poste « personnel » avec 11 014 personnes en « équivalent temps plein » pèse près d’un quart du total des dépenses. Ailleurs, il lui est difficile de sabrer dans les subventions aux opérateurs publics. La seule variable est en définitive celle de la construction ou bien de la rénovation des grands équipements.
Hélas, dès qu’un projet touche à sa fin comme le Centre des archives à Pierrefitte-sur-Seine (Val-d’Oise) ou le Palais de Tokyo, à Paris, il faut mettre les bouchées doubles pour tenir les engagements, comme le Mucem, à Marseille, en 2013, et réallouer les fonds libérés pour les nouveaux projets présidentiels (Philharmonie et Maison de l’histoire de France).
Bombes à retardement pour les prochains ministres
Autant de projets qui sont des bombes à retardement pour les prochains ministres, car, comme le soulignait le récent rapport de la Cour des comptes sur les musées nationaux, il va bien falloir que l’État paye le fonctionnement de ces coûteux équipements. Un avertissement que ne semble pas avoir entendu l’UMP, dont la 22e proposition du « Pacte républicain » pour la culture appelle à un nouveau musée d’art contemporain en banlieue parisienne. À moins de solliciter davantage le mécénat d’entreprise. En 2012, seul le dispositif Malraux subit un nouveau coup de rabot. Mais au-delà, avec la suppression réclamée par beaucoup des niches fiscales, la loi Mécénat, qui en est une, voit ses jours comptés et, avec sa fin, disparaîtrait aussi un outil de financement privé des musées.
Le budget de la mission Culture couvre le patrimoine et les musées (Lire aussi l'article "Budget 2012 - Stabilité pour les programme "Patrimoines"), la création et l’enseignement artistique. Si le programme Création affiche une progression flatteuse de 6,3 % à 788 millions d’euros en crédits de paiement, tout le « mérite » en revient au financement de la Philharmonie de Paris qui pompe à elle seule 45 millions d’euros. Mais, pour financer les travaux de ce nouvel auditorium, il a fallu aussi élaguer un peu partout, à commencer dans le budget des arts plastiques, le parent pauvre de la création (69 millions d’euros), face au spectacle vivant (719 millions d’euros). Un budget d’autant plus pauvre qu’il baisse de 5 % par rapport au projet de loi de finances 2011. En l’absence d’informations précises, les données communiquées aux journalistes se raréfiant d’année en année au point de frôler l’indigence, on apprend ce que l’on savait déjà : à Paris, Daniel Buren fera le prochain Monumenta et La force de l’art, la triennale d’art contemporain, se tiendra dans les locaux rénovés du Palais de Tokyo. Conscient que cela fait peu pour un secteur sensible, le ministre avait gardé en réserve l’annonce du rachat par l’État de la tour Utrillo à Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis), une tour vide sans attrait particulier et promise à la démolition, que deux maires de la région veulent transformer en résidence d’artistes.
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Budget 2012 - Protégé par nécessité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°354 du 7 octobre 2011, avec le titre suivant : Budget 2012 - Protégé par nécessité