Belgique - Musée

À Bruxelles, des visites au musée sur ordonnance

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 12 juillet 2024 - 674 mots

Des structures médicales s’associent à des musées pour y convier gratuitement les patients.

Jacques-Louis David, Mars désarmé par Vénus, tableau conservé dans les Musées Royaux des Beaux Arts de Belgique. © Ville de Bruxelles.
Jacques-Louis David (1748-1825), Mars désarmé par Vénus, tableau conservé dans les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique.
© Ville de Bruxelles

Bruxelles. « Quand on est en contact avec la beauté, on libère de la dopamine qui est la même molécule qui se libère avec la consommation d’alcool ou de drogue. Le contact avec l’art et la culture contribue au bien-être comme un auto-médicament », explique la Dr Catherine Hanak, cheffe de clinique en psychiatrie au centre hospitalier universitaire (CHU) Brugmann et coordinatrice médicale du projet de prescriptions muséales lancé par la Ville de Bruxelles.

Cela fait des années que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est convaincue du lien bénéfique entre l’art, pratiqué de manière active mais aussi passive, et la santé comme en témoignent des centaines d’études et de nombreux rapports. Inspirée par un projet mené par le Musée des beaux-arts de Montréal et l’Association des médecins francophones du Canada, l’échevine [adjointe au maire] de la culture, Delphine Houba, décide de l’appliquer à Bruxelles. En février 2021, le CHU Brugmann et cinq musées de la ville se lancent dans un projet pilote de visites gratuites sur prescription médicale.

Le principe est simple. Dans le cadre d’un suivi thérapeutique, le soignant encourage la visite et le choix d’un musée par son patient. La diversité de l’offre culturelle permet de convenir à différents profils et intérêts puisqu’on trouve, dans cette phase pilote, l’art et l’histoire avec la Maison du Roi, le folklore avec la GardeRobe MannekenPis, les arts décoratifs avec le Musée de la mode et de la dentelle, l’art contemporain avec la Centrale for contemporary art et enfin, la science et l’insolite avec le Musée des égouts. Le patient s’y rend seul ou accompagné d’un proche. Une fois sa prescription présentée à l’accueil, il peut visiter le musée gratuitement. « On ne propose pas cette activité aux patients dans une phase aiguë de leurs difficultés. C’est un adjuvant pour les personnes en état de revalidation, pour les aider à maintenir les bénéfices acquis et les encourager à sortir de chez elles », précise la Dr Hanak.

Delphine Houba présentant une ordonnance de prescription muséale. © Ville de Bruxelles.
Delphine Houba présentant une ordonnance de prescription muséale.
© Ville de Bruxelles
Anonymisation et respect de la vie privée

Les objectifs de ce projet sont multiples. Au-delà du bien-être qu’il peut procurer, il permet de toucher des personnes en situation de précarité, que l’on voit rarement dans les musées, tout en préservant la vie privée. L’anonymisation et le secret médical sont essentiels au dispositif. Seul le personnel d’accueil des musées a connaissance de la prescription muséale.

Les retours ont été très positifs. Outre l’autonomisation et la satisfaction d’avoir surmonté l’appréhension d’une visite dans tous ses aspects pratiques, les uns trouvent dans le musée une bulle de repli par rapport à la réalité, d’autres ressentent des connexions particulières avec certaines des œuvres d’art. « Des patients ont eu l’impression que certains artistes ont été plus malheureux qu’eux et qu’ils ont pu s’en sortir par leur art », note la Dr Hanak.

Depuis le 1er juin, le programme s’est étendu à quatorze musées et dix-huit structures médicales partenaires qui ne se limitent plus à la santé mentale puisqu’on y trouve des centres de planning familial, des maisons médicales et une association d’encadrement de l’Alzheimer.

« Il y a encore beaucoup de barrières pour l’accès à la culture. Avec les prescriptions muséales, nous cherchons à nous adapter à ce qui peut le mieux convenir à chaque personne sans chercher à démontrer quoi que ce soit », explique Delphine Houba.

Ce projet s’inscrit dans un mouvement général des institutions culturelles partout en Europe, pour une ouverture vers un plus large public. Ainsi depuis 2017, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique ont entamé un programme de médiation baptisé « Arts et soins en dialogue ». Il s’agit de visites en groupe, préparées par une première rencontre dans l’institution médicale ou la maison de repos. « Les gens, qui sont consultés pour la décision, apprécient d’être écoutés. Pour les musées, c’est important également, car un musée a plusieurs visages, ce n’est pas uniquement un lieu de contemplation et de recherche scientifique, c’est aussi un lieu de médiation intergénérationnelle et sociale », explique Marie-Suzanne Gilleman, coordinatrice du programme « Musée sur Mesure » aux Musées royaux des beaux-arts.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°637 du 5 juillet 2024, avec le titre suivant : À Bruxelles, des visites au musée sur ordonnance

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