Brognon et Rollin : sur le fil

Leur création bicéphale, depuis leurs débuts, se penche sur un matériau social brut (une table de shoot ou l’univers carcéral), leur idée-force étant d’élaborer, à travers les marges sociales revisitées et l’expérience de la durée éprouvée au cours de situations humaines extrêmes, une pensée du temps. Ces artistes conceptuels interrogent, à partir des motifs récurrents de l’enfermement et du contrôle, le gardien auquel nul ne peut se soustraire : le temps. Pour Stéphanie Rollin, « l’expérience du temps arrêté que nous proposons renvoie finalement chacun d’entre nous à l’appréciation de sa propre liberté et à son rapport au temps. »

À la Galerie Baronian, ce duo poursuit sa traque des contours de l’enfermement en décalquant à échelle 1 l’île de Gorée, au Sénégal, connue pour sa tristement célèbre « Maison des esclaves ». Mais, si les œuvres de Brognon & Rollin dénoncent, elles n’en sont pas pour autant bavardes. Au contraire, leur production vise l’essentiel via l’épure. Le plasticien Claude Lévêque, qui les apprécie, note : « C’est toujours dangereux ce qu’ils utilisent. Ils sont sur le fil, mais ne tombent jamais dans le voyeurisme. Car ils arrivent à sublimer la noirceur du quotidien pour atteindre la poésie. » Assurément.