À Grenoble, les architectes Isabel Hérault et Yves Arnod viennent de réaliser
une toute nouvelle patinoire
à la symbolique affirmée.
Un bloc de métal et de lumière qui semble flotter sur fond
de cimes enneigées.
GRENOBLE - Quitter le centre de Grenoble. Filer vers le sud avec, en ligne d’horizon, les Alpes qui se découpent sur le ciel. Aborder le quartier de la Villeneuve, édifié dans les années 1970, et se confronter à un urbanisme de banlieue type : distendu, indifférencié, confus, sans grâce ni logique. Et puis, soudain, entre ces deux monstres que sont Alpexpo et Alpes-Congrès se dessine un étrange ruban scintillant, un déroulé ondoyant, une masse dense et légère à la fois. Un ruban de glace en quelque sorte, déployé sur trois cent soixante-quinze mètres, et qui évoque irrésistiblement le ballet gracieux et nerveux des patineurs. Tant de raffinement au milieu de nulle part a de quoi surprendre.
Une architecture de tension dans ce désert mou et pesant. Le visiteur s’approche, et constate que le ruban est, dans un jeu savant de courbes et de contre-courbes, dominé par une toiture ondoyante elle aussi, opposant un dôme convexe et une échappée concave, dont on apprend qu’elle surplombe les deux patinoires qui occupent l’espace. Liant la façade et la toiture, tenant la composition et accentuant l’effet de flottaison de l’ensemble, une longue casquette horizontale périphérique agit à l’instar d’une marquise.
On pénètre dans la patinoire, les patinoires. Car elles sont deux, l’une, destinée à la compétition, peut accueillir jusqu’à trois mille cinq cents spectateurs, l’autre est à usage grand public.
Placées tête-bêche, elles sont de belle taille, affichant 30 x 60 mètres pour la sportive, et 26 x 56 mètres pour la ludique ; toutes deux sont dominées par une charpente métallique en acier galvanisé où s’enchevêtrent poutres et tenseurs. Glace, métal, béton… la scansion des gris est contrebalancée par une polychromie joyeuse : rose fuchsia et rouge vermillon pour les escaliers, jaune pour les balcons, orange pour les sièges, bleu outremer pour les sanitaires, turquoise pâle pour les vestiaires, vert anis pour les sols de la grande piste...
Passés les détails, il faut élargir le champ, embrasser du regard. Le ruban tendu et glacé s’est, en quelque sorte, déployé. La tension est devenue dilatation. La sensation d’espace, de souffle, d’infini s’installe. Ne manquent que les clameurs, de celles qui ponctuèrent les championnats du monde de hockey sur glace organisés ici même du 13 au 24 avril 2001 alors que la patinoire n’était pas terminée : fait extrêmement rare en France, le rodage grandeur nature d’un bâtiment non encore livré. De ce rodage, les architectes de la patinoire de Grenoble, Isabel Hérault, trente-sept ans, et Yves Arnod, quarante-cinq ans, ont su tirer les leçons, et peaufiner un équipement exemplaire dans un budget qui était, lui aussi, extrêmement tendu (85 millions de francs hors taxes pour 11 850 mètres carrés).
Glisser peut-être, sentir la glace sous les patins, virevolter, s’arrêter... Le visiteur repart à la nuit tombée, se retourne et découvre alors une nouvelle patinoire. Le ruban s’est métamorphosé. Entre les deux peaux qui constituent la façade ondulante – l’une en polycarbonate translucide et l’autre en bardage métallique industriel peint au pistolet en fondu bleu et blanc (ce qui donnait, en plein jour, cet aspect glacé à l’ensemble) – se sont glissées des fibres optiques qui, devenues lumineuses, font vibrer la matière, à la manière d’un gigantesque luminaire, nimbé de brouillard givrant et où dominent d’étranges lignes bleues.
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Briser la glace
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°141 du 25 janvier 2002, avec le titre suivant : Briser la glace