Le quotidien suédois l’« Expressen » s’interroge sur l’authenticité de boîtes « Brillo » de Warhol vendues en 1994 par Pontus Hulten.
STOCKHOLM - La nouvelle fait froid dans le dos ! Feu Pontus Hulten, ancien directeur du Moderna Museet à Stockholm (Suède) et premier capitaine du Centre Pompidou, à Paris, aurait vendu des copies de boîtes Brillo d’Andy Warhol réalisées en 1990 en les faisant passer pour des œuvres de 1968 ! C’est ce qu’affirme une enquête très étayée publiée le 30 mai par le quotidien suédois Expressen.
Tout commence lorsque la maison de ventes suédoise Stockholms Auktionsverk décide de retirer d’une vente une boîte Brillo en bois jugée suspecte. Celle-ci était supposée provenir d’une exposition de 500 boîtes empilées que Pontus Hulten avait présentées en 1968 au Moderna Museet. Ce spécimen en bois portait le certificat de la Fondation Warhol. Or les anciens collègues de Pontus Hulten au Moderna Museet sont catégoriques : les 500 boîtes Brillo exposées en 1968 étaient en carton, et non en bois. Certains précisent toutefois avoir vu quelques boîtes en bois dans le bureau de Pontus Hulten en 1968. « Une plus petite quantité, autour de 10 à 20, semble avoir été produite plus tard la même année », nous a indiqué Paulina Sokolow, porte-parole du Moderna Museet.
D’où viendrait donc la boîte litigieuse ? D’après l’Expressen, elle fait partie d’un groupe de 108 copies réalisées en 1990, trois après la mort de Warhol, dans les ateliers de menuiserie de la Kunsthalle de Malmö (Suède). Celles-ci étaient destinées à l’exposition « Le territoire de l’art » (1991) que Pontus Hulten – alors directeur de la Kunst- und Ausstellungshalle der Bundesrepublik Deutschland à Bonn – organisa à Saint-Pétersbourg. Une pirouette qui ne surprend guère, puisque dans le portrait que nous avions dressé de Pontus Hulten en 2004 (1), nous avions rappelé que, faute d’obtenir des prêts, ce dernier avait demandé à l’artiste André Raffray de peindre des copies du Nu descendant l’escalier, de Duchamp, ainsi que des Demoiselles d’Avignon, de Picasso.
Un geste aussi pragmatique que conceptuel que n’aurait sans doute pas désavoué Warhol. Sauf que ces œuvres ont peu à peu été vendues après l’exposition. Elles apparaîtront sur le marché via le marchand de Berchem (Belgique) Ronny Van de Velde. « Il y avait chez Pontus en France une centaine de boîtes. Comme il avait besoin d’argent pour refaire sa toiture, je lui en ai acheté d’abord vingt en 1994, puis vingt autres pour 6 000 dollars [34 000 francs] pièce, nous a confié le marchand. Il m’a fait le certificat précisant que ces pièces avaient été réalisées pour l’exposition de 1968. Quelques mois plus tard, j’ai envoyé les boîtes à la Fondation Warhol qui m’a aussi fait un certificat attestant de cette provenance. Toutes ces boîtes figurent dans le catalogue raisonné de l’artiste. Les boîtes de Warhol ont d’ailleurs toujours été en bois, que ce soient celles de 1964 ou de 1968. » D’après le marchand Marcel Fleiss, une boîte Brillo valait environ 110 000 francs en 1995, une somme bien supérieure à celle réclamée par Pontus Hulten. En février 2007, une boîte dite de la série de Stockholm a obtenu 120 000 livres sterling (177 060 euros) chez Christie’s à Londres. « La grande question, c’est : lorsque Pontus Hulten a vendu ces pièces, avait-il eu un arrangement particulier avec Warhol ? Théoriquement – mais cela reste très improbable –, ils auraient pu avoir un accord précisant que Pontus pouvait reproduire la boîte toute sa vie, déclare Paulina Sokolow. Ce qui évidemment ne signifie pas qu’il pouvait les vendre ou les présenter comme des “originaux”. Mais nous devons garder cette possibilité en tête car Pontus est mort et ne peut plus se défendre. » Certes, mais, avec cette affaire, le mythe Hulten prend du plomb dans l’aile. Tout comme les jugements émis par la Fondation Warhol.
(1) lire le JdA no 201, 22 oct. 2004.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Boîtes de Pandore
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°261 du 8 juin 2007, avec le titre suivant : Boîtes de Pandore