PARIS
Proche du président Emmanuel Macron, elle représente la France au sein du conseil de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph).
Bariza Khiari (née en 1946) est une femme politique franco-algérienne, ancienne sénatrice de Paris (PS puis LRM, de 2004 à 2017), et vice-présidente du Sénat (2011-2014). Elle préside depuis 2016 l’Institut des cultures d’Islam à Paris, et a publié plusieurs ouvrages sur le soufisme.
Aliph a été créée par le président Hollande avec les Émirats arabes unis. Il n’y a pas de surprise à ce que le président Macron continue le travail qui a été lancé par son prédécesseur, c’est la continuité de la République. Le président est un homme de culture, qui sait ce que représente le patrimoine en termes de symbole et d’identité pour les populations locales. Par ailleurs, la France a versé toute sa participation financière (30 millions d’euros), nous sommes la tête de file sur le financement d’Aliph avec les Émirats. Donc la France remplit sa mission.
Il l’a pourtant évoqué à plusieurs reprises, par exemple devant les ambassadeurs, et il a prononcé un discours exceptionnel à l’IMA [Institut du monde arabe] lors de l’inauguration [en octobre 2018] de l’exposition « Cités millénaires », à laquelle participaient les membres du conseil d’Aliph. Et ma nomination, ainsi que le fait que je sois basée à Paris [NDLR : près de l’Élysée] disent quelque chose de son engagement. Je veux ajouter que mon engagement personnel a commencé bien avant. Quand j’ai vu les destructions de Daech en Syrie en 2014-2015, j’ai rédigé une tribune publiée sur le site Médiapart avec une collègue sénatrice, tribune qui a déclenché le rapport sur le patrimoine de Jean-Luc Martinez, président-directeur général du Louvre. C’est ce rapport qui a inspiré au président Hollande l’idée d’une alliance internationale pour le patrimoine, avec un droit d’asile pour les œuvres menacées. Il est important de rappeler, à travers le patrimoine, que tout n’a pas commencé avec l’islam dans les pays arabes. Quant à l’effacement du patrimoine prôné par les rigoristes et extrémistes, c’est absurde, car, que je sache, pendant quatorze siècles les dirigeants musulmans n’avaient jamais touché aux sites chrétiens ou romains !
C’est compliqué de lancer une alliance internationale, cela prend du temps. Mais nous allons recruter deux chargés de mission, et nous arriverons à une équipe de dix personnes. J’ai souhaité avec les membres du conseil qu’Aliph fonctionne en mode start-up, avec une prise de décision rapide après l’avis du comité scientifique. Les choses peuvent être discutées par le conseil, selon les projets, car c’est un travail de co-construction avec les scientifiques.
Quand j’ai pris la présidence de l’ICI, j’ai fait un deal avec la Mairie de Paris : je ne serai pas une présidente « alibi ». Je ne voulais pas que la diversité des cultures d’Islam soit mise sous le tapis, j’ai donc demandé une liberté totale. Cela fait trois ans, et sur le plan matériel, humain et logistique, l’ICI s’est stabilisé, car j’ai donné un cap à l’équipe. J’ai fait confiance à une nouvelle directrice générale, à la directrice artistique, et ça fonctionne. La dernière exposition, « C’est Beyrouth », a même fait la « une » de Télérama ! Et comme nous exposons des artistes émergents, les galeries commencent à venir nous voir, c’est-à-dire que nous sommes identifiés et respectés par nos pairs. Nous allons renouveler le conseil d’administration avec des personnalités qui ont un vrai intérêt pour cette structure. C’est un nouveau départ. Mon rôle est de lutter contre l’obscurantisme et l’extrémisme à travers la culture, par la culture.
Je vous donne un exemple. Quand j’ai entendu l’imam de Brest dire que la musique était interdite en islam, et d’autres absurdités, j’ai lancé une exposition sur la musique dans les cultures d’Islam, ainsi que des conférences. J’ai aussi rappelé que la psalmodie du Coran est un chant, et que nous avons en Islam un corpus de musiques spirituelles gigantesque. C’était un travail pédagogique. Mais oui, effectivement, il reste un problème d’accès à la culture. Nous faisons un gros travail de médiation auprès des associations, auprès des mamans dont les enfants apprennent l’arabe à l’ICI, car c’est par elles que passe la transmission. J’ai constaté que parmi les personnes de culture arabo-musulmane en France la transmission ne se fait pas, il y a des trous. C’est pour ça que nous organisons des conférences sur les figures tutélaires de l’Islam, pour montrer aux jeunes de l’immigration qu’ils viennent d’un passé glorieux et qu’ils doivent se tourner vers l’avenir avec sérénité. Pour moi, l’ICI ne pourra perdurer que s’il reste dans sa spécificité par rapport aux institutions culturelles comme le MuCEM [Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille] ou l’IMA.
La salle de prière appartient à la Mosquée de Paris, et il est important de rappeler que l’ICI est un établissement culturel laïc. Pour moi, Bertrand Delanoë [à l’époque maire de Paris] a été visionnaire, car désormais je vois des croyants qui sortent de la salle de prière et qui vont visiter les expositions ou assister à des conférences. C’est crucial de leur donner accès à autre chose, au Beau, à travers ces œuvres. J’ai la ferme conviction, comme le poète, que « la beauté sauvera le monde ».
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Bariza Khiari, l’atout de Macron dans le monde musulman
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°528 du 6 septembre 2019, avec le titre suivant : Bariza Khiari, ou l’atout de Macron dans le monde musulman