Au cœur des temples cham

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 2005 - 767 mots

Visite des principaux sites archéologiques du royaume Champa, au Vietnam, avant la première exposition que lui consacrera à Paris le Musée Guimet cet automne.

Arrivés au Vietnam par voie maritime, probablement depuis les Philippines, Bornéo ou Java, vers la fin du premier millénaire avant notre ère, les Cham s’installèrent le long des côtes du centre du pays. À son apogée au Xe siècle, le territoire du royaume Champa s’étendait du Quang Binh, au nord, à Phan Thiet et Bien Hoa, au Sud. Très influencés par l’Inde – à commencer par leur nom – et par leurs voisins khmers, les Cham développèrent leur propre langage plastique pour édifier des temples bouddhistes ou hindouistes à la gloire de Brahma, Vishnu et Shiva. De ces splendides tours-sanctuaires de briques rouges peuplés d’imposantes sculptures de grès, il reste aujourd’hui plusieurs vestiges, mis au jour pour la plupart à la fin du XIXe siècle par l’archéologue français Henri Parmentier. Le site de My Son, dédié à Shiva, situé près de Da Nang dans la région du Quang Nam, et classé patrimoine mondial, et celui de Po Nagar, dévolue à la déesse éponyme, à Nha Trang, comptèrent parmi les plus importants centres religieux du Champa. Probablement construits au XIe-XIIe siècle, les quatre temples de Po Nagar attestent des principales caractéristiques de l’art cham  : édifices conçus en hauteur, sur la base d’un plan carré, avec des frontons en forme d’amande, des petits personnages de grès en position d’adoration émergeant du haut des tours, des décors gravés à même la brique, des murs à redents, des fausses portes pour que les divinités puissent entrer et sortir à leur gré, et bien sûr, les couleurs rouges et orangées de ces temples qui dominent la rivière Cai. Le site de My Son, lieu sacré dédié à Shiva, probablement fondé au Ve-VIe siècle, témoigne plus encore de l’histoire mouvementée du Champa. Des brahmanes ont dû y vivre en permanence, tandis que les souverains cham s’y rendaient en pèlerinage. Les noms des divinités auxquels les temples furent dédiés et ceux de leurs commanditaires sont gravés à même les stèles en sanskrit et en cham. La région de Binh Dinh, non loin de Quy Nhon, offre également de beaux exemples de l’art du Champa. Ainsi des trois tours d’ivoire, dont les décors empruntent au vocabulaire khmer, ou des tours de cuivre et d’or, érigées l’une en regard de l’autre dans ce vaste réseau de lieux sacrés. Ou encore les tours d’argent conçues à la mode khmère à la fin du XIe siècle, un site en remarquable harmonie avec son environnement.

Restauration urgente
Représentant Vishnu, Shiva, Ganesh, des génies, des gardiens de temples, des oiseaux sacrés, des danseuses ou encore des êtres hybrides, les nombreuses sculptures qui habitaient les temples cham sont aujourd’hui pour la plupart d’entre elles conservées dans les musées vietnamiens. Cet automne à Paris, le Musée Guimet organisera la première exposition sur la sculpture du Champa avec 48 pièces issues du Musée Cham de Da Nang, restaurées ou nettoyées par un atelier spécialement créé à cette occasion, placé sous l’égide de l’École française d’Extrême-Orient. D’autres sculptures provenant du Musée de l’histoire du Vietnam à Ho Chi-Minh-Ville, du site de My Son et du propre fonds du Musée Guimet viendront enrichir l’ensemble. Si les sculptures sont aujourd’hui préservées, les temples cham menacent de disparaître. Mis à mal par les différents conflits qui opposèrent le Champa aux puissants Viets – qui les obligeront à se retrancher vers le sud jusqu’à l’effritement total de leur royaume à la fin du XIXe siècle –, et, plus récemment, par les bombardements américains des années 1960, les temples cham subissent actuellement les affronts du difficile climat vietnamien. « Ces monuments sont plus fragilisés depuis qu’ils ont été dégagés. Il est maintenant urgent de les traiter. Sans consolidation, ils sont voués à la destruction », s’inquiète Thierry Zéphir, co-commissaire de l’exposition programmée au Musée Guimet. Des restaurations voire des reconstructions à l’identique  ont été réalisées pour les parties les plus abîmées (en particulier la base des monuments qui absorbe directement l’humidité du sol). « Il faudrait solliciter une coopération internationale. Tous ces monuments attendent des fouilles supplémentaires et des soins intensifs », souligne Pierre Baptiste, également commissaire de l’exposition. Souhaitons que les deux conservateurs soient entendus avant que ces fleurons du patrimoine vietnamien ne disparaissent à jamais.

Trésors d’art du Vietnam : la sculpture du Champa (Ve -XVe siècles)

Du 11 octobre 2005 au 9 janvier 2006, Musée national des Arts asiatiques-Guimet, 6, place d’Iéna, Paris, tél. 01 56 52 53 00. Pour en savoir plus, Maison de la Chine, tél. 01 40 51 95 00, www.maisondelachine.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°219 du 8 juillet 2005, avec le titre suivant : Au cœur des temples cham

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