Patrimoine

ALIPH ne se limite plus aux seules zones en guerre

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 4 septembre 2024 - 631 mots

L’ONG franco-émiratie élargit ses terrains d’intervention des sites et monuments affectés par le changement climatique.

International. Fondée à l’origine pour protéger et sauvegarder le patrimoine en zone de conflit, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph) a gagné en visibilité et en influence depuis 2017. Irak, Afghanistan, Mali ou Ukraine, les projets financés par Aliph se sont multipliés et diversifiés, au point de faire de l’ONG le principal acteur du secteur du patrimoine en péril. Désormais, Aliph finance aussi des projets de protection du patrimoine dans des zones touchées par le changement climatique et des catastrophes naturelles : il ne s’agit donc plus de zones de guerre, critère initial de sélection des dossiers. Cette réorientation a débuté en 2023 selon Elke Selter, directrice des programmes à Aliph : « Aliph a été de plus en plus sollicité pour répondre également au patrimoine affecté par des situations d’urgence autres que les conflits. Il s’agissait de situations d’urgence comme des inondations majeures. » Aliph était ainsi intervenue en Libye après les inondations de l’automne 2023, ainsi qu’en Turquie et en Syrie après les séismes de février 2023 [lire JdA 605]. En 2023, le board a donc adopté officiellement « une stratégie pour le patrimoine et le changement climatique », selon Elke Selter qui précise que cette évolution est « naturelle » et résulte d’une réflexion entre les membres, le secrétariat et le board d’Aliph.

Cette nouvelle orientation aura le continent africain comme priorité selon Elke Selter, car celui-ci est « le plus vulnérable au changement climatique et à ses effets » avec une « combinaison de risques » comme la montée des eaux, la désertification et les tempêtes plus violentes. Elke Selter souligne aussi « des capacités limitées de nombreux pays africains à faire face aux effets du changement climatique ». Le Mali par exemple, premier pays où Aliph est intervenue à sa création, est plongé dans une grave crise politique sur fond de coup d’État qui empêche toute initiative en faveur du patrimoine alors que la désertification s’intensifie : urgence climatique et sauvegarde du patrimoine en zone de conflit se combinent donc. Sont concernées les villes swahilies en Afrique de l’Est, la vieille ville d’Agadez au Niger, des constructions traditionnelles au Togo et les temples de Méroé au Soudan parmi les sites les plus menacés (le Soudan cumule un conflit au long cours et des inondations régulières). L’architecture locale en terre crue (adobe) constitue souvent un atout écologique mais un risque pour le patrimoine, en raison de sa fragilité et de la nécessité de l’entretenir régulièrement : en cas de conflit, de déplacements de populations ou de famine, les communautés ne peuvent plus organiser cet entretien (Mali, Niger). Dans de nombreux pays, des acteurs locaux rapportent « un climat plus humide, avec un impact sur les populations d’insectes » qui représentent un danger supplémentaire pour le patrimoine notamment dans les bibliothèques et musées. Dans les pays d’Afrique centrale, de nombreux manuscrits sont en effet conservés dans de mauvaises conditions, avant même d’avoir été numérisés, faute de moyens.

Pour mener à bien ces projets, Aliph annonce une enveloppe de 10 millions de dollars, issue des fonds déjà collectés, avec ses financeurs habituels. Les plus gros contributeurs du budget d’Aliph sont la France et les Émirats arabes unis en tant que cofondateurs mais l’ONG dispose de nombreux soutiens financiers. « L’objectif est de récolter des fonds supplémentaires compte tenu de l’ampleur du risque pour le patrimoine culturel », explique la directrice. Parmi les projets figurent la réhabilitation du Musée de la mer à Gorée (Sénégal), menacé par la montée des eaux et l’érosion côtière, et la restauration des sites antiques d’Apollonia et Cyrène en Libye. Aliph s’attend à une augmentation des dossiers liés à l’urgence climatique dans les prochaines années et anticipe donc en faisant évoluer sa stratégie à moyen terme.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°638 du 6 septembre 2024, avec le titre suivant : ALIPH ne se limite plus aux seules zones en guerre

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