La Direction des Musées de France (DMF), avec la tenue d’un colloque et la publication d’un catalogue, veut éclairer d’un jour nouveau la situation des \"MNR\" (Musées nationaux récupérations), ces œuvres d’art volées ou achetées par les nazis à des Français, puis récupérées après-guerre, qui n’ont jamais été réclamées depuis. De cette façon, la DMF entend aussi se défendre des critiques de laxisme et d’opacité dont elle a fait l’objet.
PARIS - En liaison avec la Direction des archives et de la documentation du ministère des Affaires étrangères, la Direction des Musées de France (DMF) organise le 17 novembre, à Paris1, un colloque consacré au "destin des œuvres d’art sorties de France pendant la Seconde Guerre mondiale". La décision d’ouvrir cette discussion a été prise à la suite de la parution de nouveaux ouvrages sur la question2 et de nombreux articles dans la presse. Tous pressaient de questions la DMF, dépositaire et gardienne de ces œuvres d’art orphelines qui, volées ou achetées par les nazis, ont été rapportées en France à la Libération et jamais réclamées depuis par les familles spoliées ou leurs ayants droit. Insinuations, accusations, l’administration des Musées de France n’aurait pas agi en la matière avec le sérieux attendu. La documentation de chacune des œuvres avec son historique n’a pas été entreprise de façon systématique, au point qu’un demi-siècle plus tard, beaucoup en sont encore démunies.
Certaines des quelque mille peintures "MNR", exposées dans les collections publiques ou présentées dans le cadre de manifestations thématiques, n’auraient pas toujours été identifiées comme "MNR". Enfin, toutes ces œuvres – 2 000 au total – ne bénéficieraient pas, contrairement à ce qu’impose leur statut juridique (lire ci-dessous), d’un accrochage permanent avec, s’agissant des peintures, la mention "MNR" portée sur le cartel, suivie d’un numéro d’inventaire. Manque de diligence, manque de transparence... la DMF s’est-elle croisé les bras pendant cinquante ans ?
45 000 restitutions
Répondant à ces attaques, Françoise Cachin a rappelé que parmi les 61058 œuvres récupérées en Allemagne à partir de 1945, 45 000 ont été restituées avant la fin des années cinquante, grâce aux efforts de l’administration française ; 14 000 ont été vendues, et seules 2 058 restent à ce jour confiées à la DMF. Le directeur des Musées de France insistait en outre sur les efforts de la commission franco-allemande de restitution des biens culturels, réactivée après la réunification allemande, qui a permis en 1994 le retour en France depuis l’ex-RDA de 28 peintures majeures, dont 7 ont été aussitôt rendues aux familles. Françoise Cachin décidait également de la tenue d’un colloque – "traitant principalement des MNR", tout en s’intéressant aux "problèmes analogues existant dans d’autres pays d’Europe" – ainsi que la publication d’un catalogue MNR. Plusieurs invités étrangers devraient être présents, notamment les auteurs Lynn H. Nicholas et Hector Feliciano, Jacques Lust, spécialiste des spoliations au ministère belge de l’Économie, et le Dr Doris Lemmermeier, représentante du service allemand de coordination des Landers pour le retour des biens culturels.
Un catalogue sur l’internet
Néanmoins, aucune révélation majeure n’est à attendre de la rencontre du 17 novembre. À la DMF, on doute même de la présence de représentants des familles spoliées, pourtant invités. Au Centre de documentation juive contemporaine, dépositaire des archives du marchand Rosenberg, comme aux Archives du quai d’Orsay, on sait que les demandes de consultation sont, depuis des années, essentiellement le fait de chercheurs et d’historiens et non plus des héritiers ou ayants droit des familles spoliées en quête d’éléments pour constituer un dossier de réclamation.
Enfin, la DMF doit publier un catalogue des MNR dont une première version, sommaire, est consultable sur l’Internet à partir de ce mois-ci. La seconde, plus complète, ne sera disponible qu’à la fin de 1997, le temps de reconstituer l’historique de chaque œuvre puisque la plupart des deux mille peintures et objets d’art en sont toujours dépourvus. Ce catalogue, attendu depuis un demi-siècle, constituera l’ultime espoir d’identifier de nouveaux ayants droit.
1. École du Louvre, Amphithéâtre Rohan, 99 rue de Rivoli 75001 Paris.
2. Hector Feliciano, Le musée disparu. Enquête sur le pillage des œuvres d’art en France par les nazis, éditions Austral.
Lynn H. Nicholas, Le pillage de l’Europe. Les œuvres d’art volées par les nazis, éditions du Seuil.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°30 du 1 novembre 1996, avec le titre suivant : 2 058 œuvres d’art cherchent propriétaires