GROSSE POINTE SHORES (MICHIGAN, ETATS-UNIS) [23.12.14] - La Edsel & Eleanor Ford House a, en 2013, vendu discrètement une toile de Paul Cézanne à un acheteur privé pour un montant de 100 millions de dollars. Cette transaction relance le débat autour de la cession d’œuvres appartenant à des institutions culturelles.
La vente en 2013 de La Montagne Sainte-Victoire vue du bosquet du Château Noir, une toile de Paul Cézanne peinte en 1904, n’a été confirmée que récemment par la présidente de la Ford House, Kathleen Mullins. Cette cession apparaît bien dans les documents fiscaux de l’institution culturelle au titre de l’année 2013. A ce prix – néanmoins bien loin des 250 millions de dollars payés pour une autre toile de Cézanne (Les joueurs de cartes), cette vue de la Sainte-Victoire deviendrait l’une des 15 toiles les plus chères du monde. Il n’avait jamais été question de se séparer d’une partie de la collection jusqu’à ce qu’un acheteur anonyme se manifeste à trois reprises avec des offres toujours plus intéressantes. C’est à l’issue de la troisième proposition que les sept membres du Conseil d’administration auraient sérieusement envisagé la possibilité d’aliéner l’œuvre, en discutant avec d’autres membres de la famille.
Au lendemain du vote du plan de redressement de la ville de Detroit qui a délivré les collections du Detroit Institute of Art (DIA) de tout risque d’aliénation, cette révélation fait couler de l’encre outre-Atlantique. Elle ravive le débat quant au « deaccessioning », cette pratique – inenvisageable en France du fait de l’inaliénabilité des collections –. Mais le journal Detroit Free Press questionne : les « institutions historiques » telles que la Ford House, ne sont-elles pas tenues aux mêmes obligations déontologiques que les musées d’art ?
Conçue par l’architecte Albert Kahn en 1929 dans le style des maisons britannique du Cotswold (région de collines du Gloucestershire), la Ford House, où vivaient Edsel (héritier d’Henry Ford) et Eleanor Ford ainsi que leurs quatre enfants, attire environ 60 000 visiteurs par an. La collection d’art n’en est pas l’attraction principale : la plupart des œuvres (notamment de Degas, Van Gogh, Renoir et Fra Angelico) ont été données au DIA du vivant des époux et remplacées par des reproductions (signalées comme telles). Hormis une nature morte d’Henri Matisse et un paysage de Diego Rivera, les collections ne présentent pas d’intérêt particulier.
Si Salvador Salort-Pons, le responsable du département des arts européens du DIA, se désole de cette vente, d’après les organisations professionnelles auxquelles appartient la Ford House (American Association of State et Local History), la vente de la toile de Cézanne ne viole pas les standards déontologiques des « institutions historiques » car les dispositions qui leur sont applicables sont plus flexibles que celles qui concernent les musées. Vendre une partie des collections d’un musée pour financer les dépenses courantes (salaires, fournisseurs, dettes) est strictement interdit par les standards éthiques en vigueur, notamment par le code de déontologie de l’Association of Art Museum Directors (AAMD). « Vendre de l’art pour financer des opérations, c’est comme vendre une voiture pour acheter de l’essence » commente Salvador Salort-Pons au Detroit Free Press. Aux Etats-Unis, les musées sont autorisés à vendre des œuvres uniquement dans le but d’améliorer la qualité des collections.
Les standards d’éthique applicables aux musées d’histoire ou « institutions historiques » ne sont pas aussi stricts : selon l’American Alliance of Museums (AAM), ces structures peuvent consacrer l’argent issu de ventes pour des acquisitions ou la protection des collections. Les dispositions des code des associations American Association of State et Local History sont similaires. « D’un point de vue éthique, je pense qu’ils ont agit correctement et ont fait en sorte que l’argent ne soit pas utilisé de manière inapproprié en créant un fonds de dotation séparé » a déclaré Ford Bell, président de l’ADD à Washington. En effet, les recettes de la vente permettront de créer un fonds spécial pour la préservation, la conservation et la restauration de la collection de la Ford House. La structure est, en outre, dotée d’un fonds séparé de 86 millions de dollars pour les dépenses de fonctionnement.
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Une toile de Cézanne vendue 100 millions de dollars par une institution culturelle américaine
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Abonnez-vous dès 1 €Paul Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire vue du bosquet du Château Noir - photo The Edsel and Eleanor Ford House