Foire & Salon

Art Basel Miami Beach allume le feu des acheteurs

Par Stéphane Renault · lejournaldesarts.fr

Le 7 décembre 2017 - 1218 mots

MIAMI / ETATS-UNIS

MIAMI BEACH (ETATS-UNIS) [07.12.17] - Sous une chaleur tropicale, les collectionneurs ont largement répondu présents à la 16e édition du rendez-vous hivernal de Floride dont le vernissage VIP avait lieu ce 6 décembre.

Lors de la conférence de presse qui précédait l'ouverture des portes de ce nouveau millésime d'Art Basel Miami Beach dans le jardin botanique, restauré depuis les dégâts engendrés par l'ouragan Irma, Marc Spiegler, directeur d'Art Basel, rappelait fort opportunément que le rapport Art Basel & UBS (partenaire de la foire) du Dr Clare McAndrew sur le marché de l'art 2017 couronnait cette année encore Art Basel Miami Beach du titre prestigieux de foire numéro 1 pour les collectionneurs américains.

Une manière d'affirmer sa position dominante face à l'Armory Show new-yorkaise, Frieze et autres foires américaines. De son côté, Noah Horowitz, anciennement à la tête de l'Armory show avant de rejoindre en juillet 2015 l'équipe de la foire bâloise pour en devenir le premier Director Americas, annonçait attendre plus de 70 000 visiteurs cette année, parmi lesquels des directeurs de musées et de nombreux collectionneurs. Cette édition compte pas moins de 268 galeries dont 20 nouvelles, venant d'une trentaine de pays.

Dès l'ouverture des portes du Miami Beach Convention Center (MBCC) en pleins travaux de réaménagement, les collectionneurs sont arrivés en force, dans une ambiance à la fois chic, balnéaire et décontractée. Le temps semble révolu des ruées hystériques telles que celle décrite par Tom Wolfe dans un chapitre de Back to Blood. Subsiste la présence de nombreux « Art advisors », conseillers des acheteurs spéculateurs, au sujet desquels l'inventeur du Nouveau journalisme, réputé pour sa plume caustique, écrit : " What you see is what they say " (Vous voyez ce qu'ils vous disent de voir).

Or à voir, il y a beaucoup. Dans les allées d'abord, le délicieux spectacle mondain d'une clientèle passablement nantie. Américains mais aussi Sud-américains (Brésiliens, Argentins, Mexicains...) et pour certains aussi Européens, Russes... Pour ces collectionneurs fortunés, Art Basel Miami Beach, c’est déjà un peu les vacances avant les vacances. L'ambiance est festive et c'est peu dire que le public, hommes comme femmes, ne craint pas les tenues colorées voire ostentatoires - veste fleurie sur short de plage compris. Le sable et la mer, le surf et les terrasses d’Ocean drive ne sont qu’à quelques mètres. À South Beach, les silhouettes des palmiers se découpent toute l’année sur les façades blanches des édifices années 1930 ; le ciel est d'un bleu qui pourrait être Klein, loin de la baie des Anges. La foire s’en trouve inévitablement imprégnée, dans une sorte d’atmosphère glamour et tropicale. Un décor de film, une certaine idée du « cool ».

Sur les stands, la qualité des œuvres est globalement élevée, avec un grand nombre d’artistes de premier plan, en particulier sur le second marché. Lévy Gorvi exposait ainsi un magnifique Ellsworth Kelly de 1959. Dans le secteur principal Galleries, la couleur prédomine, comme la peinture et la sculpture. George Condo et David Salle chez Skarstedt, Tom Wesselmann (1968) chez Almine Rech. Et l'art américain, notamment le Pop Art. On croisait chez Gagosian un Leonardo di Caprio incognito sous capuche et lunettes noires admirant Basquiat, Warhol, Lichtenstein. Les « top collectors » Dasha Zhukova et Jorge Perez saluaient quelques connaissances. Le peintre Chuck Close confiait : " C'est une des meilleures éditions que j'ai vue ces dernières années, avec beaucoup de peinture. Les galeries amènent leurs plus belles œuvres pour la foire." Chez Paula Cooper, on restait en admiration devant un mur entier d'un ensemble exceptionnel de gouaches sur papier de Sol Lewitt, 100 Cubes (1991), acquis par une Fondation française (entre 1 million et un million et demi de dollars).

On a beaucoup reproché à Art Basel Miami Beach d'être une foire bling-bling, destinée avant tout à une certaine clientèle qui n’a pas froid aux yeux, volontiers portée sur les paillettes, le tape-à-l’oeil. Cela reste en partie vrai. Mais en partie, seulement. Moins tapageuse et people, plus mature, la manifestation n'en conserve pas moins une dimension facile d'accès, pour ne pas dire décorative sur certains stands, avec une sélection d'œuvres privilégiant le spectaculaire, le coloré, dans un registre assez vif. A l’instar de cet immense tableau de Kehinde Wiley chez Sean Kelly. Pour beaucoup de marchands, ce n'est à l'évidence pas le lieu de présentation adapté pour un art expérimental exigeant. Intellectuels sinueux et artistes torturés, passez votre chemin. Ce n'est pas le cas de toutes les enseignes, loin s'en faut.

Réputée pour être un point de jonction privilégié entre les deux Amériques et l’Europe, la foire reste un formidable lieu de découverte et d’exposition des artistes latino-américains, largement représentés par les galeries brésiliennes, argentines et mexicaines, notamment. Ce tropisme attire les collectionneurs de la région, lesquels contribuent pour une part non négligeable au volume des transactions.

L'art en réponse au moment politique particulier que traversent les Etats-Unis, dont les artistes sont majoritairement opposés à l'actuel président, est aussi représenté sur la foire.

Le souffle nouveau est à voir dans le secteur Nova dont les 29 galeries présentent des œuvres de moins de trois ans ou jamais sorties du studio de l'artiste. On pouvait ainsi apprécier Dara Friedman chez Supportico Lopez ou Teresa Margolles et Rosangela Renno chez mor charpentier.

Lentes à démarrer, les ventes s’annonçaient pour certaines enseignes néanmoins très fortes dès les premières heures, avec des collectionneurs particulièrement actifs. Hauser & Wirth s’était ainsi défait d’un Bruce Nauman (1989) pour 9,5 millions de dollars à destination d’un collectionneur chinois. Chez Gagosian et Zwirner, le champagne Ruinart coulait pour célébrer des œuvres vendues autour ou au-dessus du million de dollars. Plusieurs galeries ont fait part dans l’après-midi du succès de leurs stands : Un Yoshitomo Nara cédé 2,9 millions de dollars chez Pace, un Soulages (1966) à 1 million d’euros chez Applicat Prazan, une photographie de Gursky (500 000 euros) ou une toile de George Condo (450 000 dollars) à un collectionneur américain chez Sprüth Magers.

Le succès de cette frénétique Miami Art Week de décembre tient désormais à l'écosystème culturel créé autour de la foire. Dans son édition du 30 novembre, le Miami Herald y consacrait un article, citant Noah Horowitz : « Beaucoup de gens viennent pour la foire et les musées, c'est une des raisons du succès de nos galeries. La plupart de nos clients viennent pour acheter et vendre, mais ils veulent plus que cela. Ils recherchent des expériences culturelles enrichissantes en ville lorsqu'ils arrivent. Plus nous serons à même de leur proposer ce type d'expérience, plus ils souhaiteront revenir en disant : "quel événement formidable et quelle formidable ville!" »

Les milliers de visiteurs de la foire en profiteront ainsi cette année pour aller voir le Pérez Art Museum Miami, le nouvel Institute of Contemporary Art (ICA), le solo show de Mika Rottenberg à The Bass, les collections De la Cruz, Margulies, Rubell, l’exposition « Triangulo » du CIFO (Cisneros Fontanals Art Foundation), le Design district ou encore le street art du quartier arty de Wynwood. Sans oublier les foires satellites, de Nada à Untitled. Enfin, les innombrables performances et soirées. Du Rose bar du Delano au club et bowling Basement en passant par le projet de Carsten Höller au Prada double club Miami, la fête ne fait que commencer.
Art Basel Miami Beach 2017 fermera ses portes dimanche.

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Des visiteurs à Art Basel Miami, le 6 décembre 2017 © photo Stéphane Renault pour LeJournaldesArts.fr

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