Restitution, la justice américaine donne raison à la National Gallery

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 28 septembre 2017 - 420 mots

NEW YORK (ETATS-UNIS) [28.09.17] - Les héritiers de Greta Moll, élève et muse de Matisse, soutenaient que le musée londonien détient en violation de leurs droits le portrait de leur ancêtre réalisé par le peintre français. Une décision du 21 septembre vient de les débouter de l’ensemble de leurs demandes.

Matisse, Portrait de Greta Moll
Matisse, Portrait de Greta Moll, 1908, huile sur toile, 93 x 73,5 cm
© The National Gallery, Londres

L’affaire du Portrait de Greta Moll (1908), initiée en septembre 2016, a connu une fin prématurée, l’assignation des trois demandeurs ayant été rejetée par un juge new-yorkais. Entrée dans les collections de la National Gallery (Londres) en 1979, la restitution de l’œuvre était sollicitée par les trois héritiers du modèle peint par Henri Matisse à la demande de son époux, Oskar Moll. À défaut d’une telle restitution, les requérants souhaitaient voir leur préjudice réparé à hauteur de trente millions de dollars. Mais aucun débat judiciaire n’aura lieu.

Le musée londonien constituant juridiquement une émanation du Royaume-Uni, ce dernier est couvert par le Foreign Sovereign Immunities Act, la loi américaine relative à l’immunité souveraine, dont les dispositions interdisent à un État étranger souverain d’être jugé sur le sol américain. La décision rendue retient également que les demandes des requérants étaient intempestives, si ce n’est prescrites, dès lors que ces derniers avaient eu connaissance depuis la fin des années 1970 ou depuis le début des années 1980 de l’entrée du tableau au sein des collections du musée britannique.

Oskar et Margaret, connue sous son diminutif de Greta, étaient tous deux élèves de Matisse. Installés à Berlin pendant toute la Seconde Guerre mondiale, le couple parvint à préserver le tableau, malgré l’inclusion de leurs propres œuvres au sein de la funeste exposition « Entartete Kunst ». Après le décès de son mari en 1947, Greta Moll confiait alors à un ancien étudiant du défunt le soin de mettre en sécurité le tableau en Suisse. Mais dans des circonstances encore inconnues, l’œuvre fut achetée en 1949 par la galerie Knoedler, avant de passer entre les mains d’un collectionneur texan, puis d’un autre suisse, jusqu’à se retrouver sur les cimaises de la Lefevre Gallery à Londres et d’être achetée en 1979 par le musée.

Cette chaîne d’acquisitions successives, entamée dans des circonstances inconnues et sans que leur ancêtre ne semble avoir bénéficié du produit de la vente de son portrait, était remise en cause par les demandeurs. Pour autant, ces derniers ne sont jamais parvenus à prouver la réalité du vol dénoncé, dénotant ainsi une nouvelle fois l’importance primordiale de la provenance des œuvres sur le marché de l’art et de la traçabilité des transactions.

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