PARIS [21.08.17] - Quand il ne tourne pas un film, il dessine et ce, depuis son plus jeune âge. L’acteur de quarante-trois ans publie aux éditions Textuel un ensemble de deux cents croquis accumulés pendant vingt ans. Quelques originaux seront prochainement exposés à la Galerie Cinéma, où Le Journal des Arts l’a rencontré.Â
Votre livre « PULP » est-il conçu comme un catalogue de l’exposition prévue à la Galerie Cinéma ?
Non, c’est plutôt l’exposition qui est le catalogue du livre. Il s’agit d’une sélection des dessins que j’ai réalisés depuis vingt ans. Il était temps de faire le tri !
Comment votre style a-t-il changé ?
Il n’est pas passé d’un point A à un point B. Il est en constante mutation. J’ai l’impression qu’il évolue malgré moi, se manifestant surtout dans l’humour, le détournement de certains sujets. Mes scènes de baisers n’ont pas la même forme aujourd’hui qu’il y a vingt ans, par exemple.
Cela fait-il longtemps que vous mûrissez ce projet ?
Pas vraiment. J’ai pourtant mis un certain temps à assumer le fait que mes dessins pouvaient se retrouver dans un livre, à croire que celui-ci avait une raison d’exister, jusqu’à ce que j’entre en contact avec les éditions Textuel. C’étaient les plus proches de mon univers. J’ai ensuite identifié une de leurs graphistes, Agnès Dahan, avec qui je me suis tout de suite très bien entendu. On a même fréquenté la même école ! L’École supérieure des arts appliqués Duperré. J’ai eu de la chance de tomber sur elle. Elle m’a aidé à y voir plus clair. Sur cinq cents croquis, nous en avons retenu près de deux cents.
Et l’exposition ? Combien de dessins réunit-elle ?
Pas plus de cinquante, choisis en collaboration avec Anne-Dominique Toussaint. Là encore, on était plutôt d’accord. On se connaît depuis un moment. Je me sens en confiance avec elle. Un jour, j’ai dû lui lancer en plaisantant que j’allais finir par exposer chez elle. D’un coup, l’idée est devenue plus sérieuse : mon livre offrait l’occasion d’exposer des originaux. On aura un mur consacré aux pages d’agenda ; un autre aux bouches, motif que je reprends souvent. Il y aura aussi un grand format - j’en réalise peu - et des dessins isolés.
« PULP »… parce que vous cherchiez un mot « court et organique » pour intituler votre livre, comme vous l’expliquez dans votre préface. D’ailleurs pourquoi avoir intégré celle-ci sous sa forme manuscrite ?
Parce que pour parler de soi, pour être dans l’intime, il fallait rester dans le texte écrit.
Vous biffez surtout adverbes et adjectifs, pourquoi ?
Sûrement pour revenir à une forme d’humilité, après l’excitation du moment. J’ai réfléchi pendant un mois et demi à ce que j’allais écrire ! Le texte est sorti d’un jet, à l’aéroport, dans la navette qui me conduisait à l’avion. Ensuite, je ne pouvais plus le changer. Il était scellé. Incroyable ! Tout était dans l’ordre. D’une logique imparable. J’étais rempli de joie. J’allais tourner dans un film de Ridley Scott à Rome. Ceci explique peut-être cela…
Votre père est architecte. Votre mère, coloriste. Vous pratiquez la couleur et le noir et blanc. N’avez-vous pas l’impression d’être le trait d’union entre les deux ?
L’art a toujours été présent à la maison. Mon grand-père faisait de la peinture. Ma mère dessinait plus que mon père. Ses nuanciers de couleurs avaient quelque chose de plus abstrait que les plans précis, droits, maîtrisés de mon père, bien sûr. Mon approche n’a rien à voir. Je me situe plus dans l’observation et la recherche des formes.
Votre medium préféré ?
J’aime la matière, le gras, les ombres du crayon (du 2B au 4B), toutes les valeurs de gris qu’il propose. J’aime quand il devient très noir. Pour la couleur, j’ai longtemps utilisé les marqueurs Posca avant de passer à l’acrylique. Je me suis tourné vers le dessin pour la rapidité qu'il permet.
Justement, quel est votre rythme de travail ?
Cela dépend. Il m’arrive de me lever la nuit pour dessiner. Il n’y a pas de règle. J’ai beaucoup de mal à créer en tournage. La solitude m'est indispensable. J’ai un espace de travail bien à moi. D'ailleurs, je n’aime pas parler de travail, mais plutôt d'exploration. Mon tracé reste assez libre. Il connaît différents stades, de l’étude au croquis certes, mais je ne passe jamais des semaines sur la même œuvre.
Qu’est-ce que le dessin vous permet d’exprimer contrairement au cinéma ?
On peut tout faire passer dans le dessin. C’est plus personnel. En tant qu’acteur, on suit quand même une histoire, un personnage, un scénario, ou un auteur, un livre. On a une partition. Là, la partition est très large, même si je ne peux pas tout faire. Je ne vais pas dire que j’ai l’habileté d’un peintre.
N’avez-vous pas peur que votre célébrité n’influence le jugement porté sur vos dessins ?
Idéalement, j’aimerais qu’elle n’entre pas en ligne de compte. J’étais méfiant au début. Chaque fois que j’appelais une maison d’édition, j’avais peur de n’être reçu que pour mon nom. Je me suis même demandé si je ne devais pas prendre un pseudo, avant de renoncer à cette idée. Pas besoin. Mon livre, c'est moi. Je me dévoile. J’en assume les conséquences. Libre à quiconque de se déchaîner. À l’inverse, si des gens veulent acheter mon livre parce que je m’appelle Romain Duris, pourquoi pas ?
Si l’occasion se représentait, à l’avenir, de publier, d’exposer ?
Je prendrais la chose différemment. Ce livre est une sorte de bilan. Il me permet de repartir à zéro pour faire, je ne sais quoi, soit un autre livre, soit une exposition en tant que telle. En tout cas quelque chose de plus contrôlé après cette table rase
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Romain Duris : « On peut tout faire passer dans le dessin »
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