MOSCOU (RUSSIE) [11.02.16] – La compagne de l’artiste russe Piotr Pavlenski interné de force dans un asile psychiatrique a donné quelques informations au Journal des Arts sur la situation de son mari, contraint à une isolation complète au motif « d’une épidémie de grippe ».
Le pouvoir russe emploie de vieilles méthodes soviétiques pour démoraliser l’actionniste Piotr Pavlenski, 31 ans, connu pour ses performances extrêmes et politisées.
L’artiste a été placé de force dans une institution de soins psychiatriques depuis deux semaines (le 26 janvier) et sa compagne Oxana Shalyguina n’a reçu de ses nouvelles que ces tous derniers jours. Très inquiète, elle avait alerté l’opinion publique la semaine dernière, dénonçant des méthodes s’apparentant à de la « psychiatrie punitive ».
« Je viens de recevoir une lettre très brève de Piotr dans laquelle il écrit que "tout va bien" », confie-t-elle au Journal des Arts. « Personne n’est autorisé à lui rendre visite. Des pressions morales sont exercées sur lui à travers une isolation complète. Il ne peut pas non plus voir ses avocats pour préparer sa défense. La seule manière de communiquer avec lui consiste à envoyer des lettres par la poste ».
La dernière performance de Pavlenski, baptisée Menace, celle qui a conduit à son internement, a consisté à incendier la porte d’entrée du sinistre bâtiment de la sécurité d’Etat (ex-KGB) le 8 novembre dernier. Il a immédiatement été placé en détention préventive. Une plainte pour vandalisme et pour « incitation à la haine idéologique » a été déposée contre lui. Il risque jusqu’à trois ans de prison ferme. Dans un entretien accordé au Journal des Arts en juillet dernier, Pavlenski expliquait être « radicalement opposé au pouvoir totalitaire actuel » et qu’il ne se laissera « pas intimider par la terreur d’Etat ».
Selon sa compagne Oxana, les autorités psychiatriques prennent pour prétexte la quarantaine contre l’épidémie de grippe décrétée dans la région de Moscou pour isoler complètement l’artiste et père de ses deux enfants. « J’ai appris que les autres patients peuvent voir leurs proches malgré la quarantaine », se plaint-elle.
Pavlenski se trouve depuis deux semaines dans les murs de l’institut Serbsky à Moscou. Cet établissement est tristement célèbre pour interné de force de nombreux dissidents à l’époque soviétique. Quelques cas d’internement d’opposants ont été relevés au cours des trois dernières années. Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, qui joue au porte-flingue de Vladimir Poutine, a réclamé le mois dernier que les opposants soient internés et « soignés. »
Oxana Shalyguina estime cependant que les psychiatres de l’Institut Serbsky sont « terrifiés par le scandale potentiel et la résonance mondiale » que pourrait avoir l’internement plus long de son compagnon. « Ils savent que leur réputation ne résisterait pas au retour à la psychiatrie punitive. »
Symbole de la répression d’Etat, l’institut Serbsky a été la cible d’une performance auto-sacrificielle de Pavlenski en 2014. L’actionniste s’était alors hissé nu sur le toit du bâtiment, puis s’était tranché le lobe de l’oreille à l’aide d’un très long couteau. L’image du filet de sang coulant sur son corps émacié s’est imprimée dans les mémoires, dont celles probablement des psychiatres de l’institut.
Le courage, la radicalité et la portée de ses performances l’ont fait élire « artiste de l’année 2013 » par ses pairs russes.
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Premiers signes de vie de l’artiste russe Piotr Pavlenski
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Piotr Pavlensky (Petr Pavlenski) posant lors de sa performance Menace consistant à incendier la porte d’entrée du bâtiment de la sécurité d’Etat (ex-KGB), le 8 novembre 2015 © AFP PHOTO / NIGINA BEROEVA