La Pinacothèque à Singapour : comment concilier art et business

Par Marion Zipfel (Correspondante à Singapour) · lejournaldesarts.fr

Le 5 juin 2015 - 641 mots

SINGAPOUR [05.06.15] - Premier musée privé international à Singapour, la Pinacothèque de Paris a ouvert ses portes au public le 30 mai. Dans un pays où la culture du musée est encore jeune, l’institution veut rendre l’art accessible au plus grand nombre avec un impératif de rentabilité pour s’inscrire dans la durée.

« Enfin ! » s’exclame Alain Vandeborre soulagé à l’issue de la conférence de presse inaugurant la Pinacothèque de Paris à Singapour « J’ai consacré 5 ans de ma vie à ce projet » assure le co-fondateur du FreePort, le Port franc de Singapour. Très discret, l’homme d’affaires belge a pourtant été un intermédiaire clé entre le fondateur de la Pinacothèque Marc Restellini et les autorités singapouriennes. « C’est moi, entre autres, qui suis allé chercher les fonds pour la restauration du bâtiment » répond-il lorsqu’on lui demande de préciser le rôle qu’il a joué.

En 2008, lorsque Marc Restellini est invité par les autorités singapouriennes, il est charmé par ce bâtiment néocolonial dominant le parc Fort Canning au cœur de la ville. S’il doit ouvrir une antenne de la Pinacothèque à Singapour, ce sera là pense t-il alors. « Ce bâtiment, c’est l’histoire de la Belle au bois dormant, réveillée par Marc Restellini » explique Alain Vandenborre. Le site était délaissé, les Singapouriens n’y venaient plus mais à partir du moment où la Pinacothèque à commencer à s’y intéresser, le projet a fait des jaloux ».

Grâce à un solide réseau et un sens aigu de la négociation, Alain Vandenborre parvient à démontrer que ce projet est stratégique pour Singapour et obtient le site sans appel d’offre. 5 ans plus tard et après le travail de l’architecte Laurent Guinamard, l’ancienne demeure de Sir Stamford Raffles renait en musée. Le coût total du projet n’a pas été dévoilé. Trois galeries sont réparties sur plus de 5000 m2. L’Heritage Gallery est consacrée à l’art de la région, The collections gallery aussi appelée Le cabinet de curiosités constitue la collection permanente de 40 œuvres importantes du XXe siècle que le directeur de la Pinacothèque fait dialoguer avec des pièces d’art tribal d’Asie du sud-est. Enfin The Features Gallery accueille les expositions temporaires. Pour son inauguration, c’est Cléopâtre qui est à l’honneur. L’exposition déjà présentée à Paris en 2014 raconte l’histoire de la « reine la plus connue encore aujourd’hui » selon l’expression de Marc Restellini. A ces galeries s’ajoute également une « art academy » où l’on peut suivre des cours sur l’histoire de l’art. « A Singapour, il y a un manque en matière d’histoire de l’art explique Marc Restellini. A travers cette académie, je veux donner les clés pour comprendre et ce savoir sera soutenu par les collections présentes ».

Voilà pour la mission artistique. Reste maintenant à définir un modèle économique qui permette à l’institution privée d’être rentable. Concernant l’aide du gouvernement, la discrétion est de mise. A peine sait-on que la Pinacothèque bénéficie d’un loyer très avantageux dans un pays connu pour être le plus cher au monde et qu’elle pourra bénéficier de subventions au titre de musée privé. Avec 200 000 visiteurs attendus pour la première année, la vente de tickets ne représentera que 25 % des recettes du musée. « Il est indispensable de trouver d’autres sources de revenus » analyse Alain Vandenborre. Une tâche qui incombe à Suguna Madhavan, femme d’affaires singapourienne qui a fait carrière chez Nokia avant de créer Vertu, la marque de téléphonie mobile de luxe. Pour faire vivre le lieu, elle compte bien sur les restaurants, la location du site pour les évènements d’entreprises, mais aussi la création d’un « Art Club », un club privé où se retrouveront les amateurs d’art. « J’aime créer de nouvelles marques et je dis souvent qu’avec la Pinacothèque je crée la F1 culturelle pour Singapour » explique la femme d’affaires de 50 ans.

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Façade de la Singapore Pinacothèque de Paris, installé dans le Centre du Fort Canning © Singapore Pinacothèque de Paris

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