Affaire Gurlitt : la succession reste sous curatelle du tribunal de Munich

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 27 novembre 2014 - 622 mots

MUNICH (ALLEMAGNE) [27.11.14] - Le Musée des beaux-arts de Berne ne pourra obtenir l’héritage avant la fin de la procédure entamée par la cousine de Gurlitt. Mais cette dernière donne son accord pour restituer les trois œuvres dont la spoliation a été confirmée.

Le 24 novembre, le Musée des beaux-arts de Berne a accepté la succession Gurlitt. Mais le tribunal de Munich en charge des successions a confirmé avoir reçu le 21 novembre dernier une demande de certificat d’hérédité de la cousine de Cornelius Gurlitt. « Dans un premier temps, une juge doit se prononcer sur la recevabilité de la procédure », affirme Monika Andress, porte-parole du Tribunal de Munich. Actuellement, aucun délai n’est précisé quant à cette première étape. Si la juge estime la demande recevable, un long processus de vérification de la validité du testament pourrait s’engager.

Concrètement, cela signifie que la succession reste sous curatelle du Tribunal de Munich jusqu’à la fin de la procédure. Le curateur de la succession, l’avocat Stephan Brock, a déclaré au Journal des Arts : « Les œuvres restent sous mon administration. Le musée ne dispose pas de droit d’aliénation jusqu’à la fin de la procédure ». « Nous ne savons pas combien de temps va durer la curatelle. C’est pourquoi je m’efforce avec l’accord de tous les intéressés de restituer aux ayants droit les œuvres dont la spoliation a été avérée par la taskforce », a-t-il ajouté.

Stephan Brock et Thomas Pfaff, le porte-parole d’Uta Werner, a confirmé au JdA que la cousine de Cornelius Gurlitt avait donné son accord pour restituer les œuvres. La taskforce en charge des recherches sur la provenance de la collection Gurlitt a recommandé la restitution de trois œuvres spoliées : un dessin de Spitzweg, un tableau de Liebermann, ainsi que l’œuvre Femme assise de Matisse. Cette dernière a appartenu au marchand d’art Paul Rosenberg, et ses héritiers, dont Anne Sinclair, en ont demandé la restitution. Les ayants droit pourraient ainsi obtenir ces œuvres dans les semaines qui viennent, une fois l’accord de toutes les parties prenantes formalisé.

Uta Werner a justifié sa demande d’examen de la validité du testament suite au rapport du psychiatre Helmut Hausner, qui remettait en cause la capacité de Gurlitt à élaborer un testament de son libre arbitre : « En cas d’incapacité avérée à tester, il est légalement possible pendant des décennies d’annuler les dispositions d’un testament » déclare Thomas Pfaff, porte-parole d’Uta Werner. Cela serait source d’incertitude pour tous les intéressés, ajoute-t-il.

Paradoxalement, s’il n’existe pas de limite de temps pour faire valoir ses droits successoraux, la restitution de biens spoliés est soumise à un délai de prescription de trente ans. Que se passerait-il si demain on trouvait en Allemagne un nouveau trésor de biens spoliés aux familles juives? L’ancien ministre de la Culture fédéral allemand, Michael Naumann, avait en effet affirmé l’an passé que de nombreux biens spoliés par les nazis trônent encore dans les salons allemands. « La prescription dans notre droit des demandes de ces victimes est un obstacle insupportable » a déclaré Winfried Bausback, ministre de la Justice du Land de Bavière, lors de la signature de l’accord sur la succession Gurlitt le 24 novembre. « C’est pourquoi j’ai proposé au début de l’année une loi sur la restitution des biens spoliés », a-t-il ajouté. Les Länder peuvent en effet soumettre des projets de loi au Bundesrat, la chambre Haute du Parlement allemand qui représente les Länder. Plus d’un an après la découverte du trésor de Munich, cette loi n’a toujours pas été adoptée, déplore-t-il. Ce projet de loi présente en effet une double difficulté juridique : d’une part, parce qu’elle prévoit la supression du délai de prescription, d’autre part parce que cette loi devrait être rétroactive.

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Le Palais de Justice de Munich - © Photo Nino Barbieri - 2006 - Licence CC BY-SA 2.5

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