LONDRES / ROYAUME-UNI
LONDRES (ROYAUME-UNI) [17.11.14] – Par un jugement du 6 novembre 2014, la Haute Cour du Royaume-Uni a donné droit à la bibliothèque Warburg, menacée par des pressions de l’Université de Londres à laquelle elle est rattachée. La justice réaffirme l’indépendance de l’institution et celle de ses collections.
La justice britannique a tranché jeudi 6 novembre 2014 en faveur de l’Institut Warburg contre l’Université de Londres. Cette dernière, qui accueille l’une des bibliothèques de recherche les plus réputées au monde, mettait en cause l’inaliénabilité des collections pourtant prévue dans le contrat fiduciaire signé en 1944.
Dès 2011, l’avenir de la bibliothèque de l’Institut Warburg semblait déjà menacé. Des inquiétudes très vives ont été exprimées par le personnel et de nombreux chercheurs après que la gestion de l’Institut a été pointée du doigt. Sévèrement déficitaire, l’Institut accusait l’Université de Londres, à laquelle il est rattaché, de vouloir l’étouffer en augmentant régulièrement le loyer des locaux occupés à Woburn Square, dans le quartier chic de Bloomsbury, jusqu’à représenter près de 50 % de leur dotation annuelle contre 20 % auparavant. Ce désaccord ne devrait pas exister puisque l’Université de Londres avait accepté de « maintenir et protéger l’Institut à perpétuité, de l’héberger […] à Bloomsbury et de lui donner des moyens décents de fonctionnement » dans un contrat fiduciaire signé en 1944 entre la famille Warburg et l’université.
La collection de 80 000 ouvrages réunis par Aby Warburg a quitté de justesse l’Allemagne nazie en 1933 avant l’arrivée de Goebbels et cherchait refuge auprès du mieux offrant. Si l’Angleterre n’avait pas accepté ces conditions de transfert, les Etats-Unis auraient ouvert leurs portes avec empressement. L’enjeu est de taille puisque cette bibliothèque, consacrée en grande partie à l’histoire de l’art mais également à l’histoire culturelle et l’histoire des idées, couvrant ainsi des domaines très divers tels que la magie et l’astrologie, est un phare précieux dans le paysage de la recherche en Humanités. Elle reflète autant l’immense héritage intellectuel d’Aby Warburg que les idées de ses successeurs comme Erwin Panofsky ou Ernst Gombrich dont l’Institut possède les archives.
Dire que cette bibliothèque est aujourd’hui une mine d’or pour les chercheurs n’est pas superflu, d’autant que sa richesse est loin d’être sa seule particularité. Ouverte aux chercheurs du monde entier, les 350 000 ouvrages, 1 500 périodiques et les milliers de photographies conservés y sont en libre accès pour les lecteurs, suivant un système de classement unique au monde. Au hasard des rayons, les analogies se font et permettent une compréhension globale de l’art, notamment de ses perspectives sociales et historiques, dans la tradition de l’iconologie. C’est en étudiant un traité d’astrologie du XVe siècle qu’Aby Warburg retrouva la signification des fresques du Palais Schifanoia de Ferrare et c’est grâce à son système de juxtaposition d’images qu’il interroge en profondeur le lien entre Le déjeuner sur l’herbe de Manet et la gravure de Marc Antoine Raimondi d’après le Jugement de Pâris de Raphaël.
Les (mauvaises) intentions de l’Université de Londres sont d’autant plus étonnantes, que la renommée de la bibliothèque est bien établie. Bien qu’elle clame ne jamais avoir évoqué le démantèlement des collections ni même leur déménagement, l’action en justice entreprise auprès de la Haute Cour du Royaume-Uni sur la propriété des ouvrages doublée de l’augmentation importante des loyers sèment le doute. La justice s’est prononcée en faveur de l’Institut Warburg déclarant que bien que l’Université soit à l’origine de l’acquisition de nombreux ouvrages de la bibliothèque, les collections de cette dernière ne lui appartenaient pas. L’indépendance de l’institution est donc réaffirmée, autant que son hébergement à Woburn Square.
La mobilisation autour de ce lieu majeur de la recherche en histoire de l’art a été importante, donnant lieu à une pétition ayant récolté environ 20 000 signatures dont des noms célèbres tels qu’Ai Weiwei, Lisa Jardine ou Martin Kemp. Les membres de la famille Warburg ont même déclaré qu’ils seraient heureux de faire revenir la bibliothèque en Allemagne afin de préserver son indépendance.
De son côté, l’Université de Londres a décidé de faire appel de cette décision.
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La Haute Cour du Royaume-Uni accorde un répit à la bibliothèque de l’Institut Warburg
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Abonnez-vous dès 1 €L'institut Warburg - © Photo Stephen McKay - 2008 - Licence CC BY-SA 2.0