Italie - Biennale

Venise : des pavillons nationaux de bonne tenue

Par Alain Quemin · lejournaldesarts.fr

Le 3 juin 2013 - 833 mots

VENISE (ITALIE) [03.06.13] - C’est surtout dans les pavillons nationaux souvent très réussis que l’édition 2013 de la Biennale de Venise réserve ses plus belles rencontres, à commencer par celui de la Belgique habité par un « arbre » de Berlinde de Bruyckere.

Voici la bonne surprise de l’édition 2013 de la Biennale de Venise : des pavillons nationaux dont certains sont excellents. Dans la plus prestigieuse et la plus ancienne biennale d’art contemporain au monde (elle remonte à 1895), les différentes scènes nationales se mesurent tous les deux ans les unes aux autres. Il est ainsi révélateur que l’on ne découvre souvent le nom des artistes présentés qu’une fois parvenu à l’intérieur des bâtiments, comme si l’on venait avant tout pour l’art d’un pays donné.

Au pavillon allemand « occupé » par la France, Anri Sala rencontre un succès mérité avec Ravel, Ravel, Unravel, tandis que, dans le pavillon allemand (prêté par la France), ressort l’installation de chaises d’Ai Weiwei Bang. Pour la Grande-Bretagne, c’est Jeremy Deller qui s’est emparé de l’espace avec une œuvre joyeusement échevelée, malicieusement intitulée English Magic, qui s’intéresse à la société britannique d’aujourd’hui et joue à fond la carte de la communauté et de la participation.

Le plus beau des pavillons, le plus fort sans doute, est celui de la Belgique qui accueille une seule œuvre, exceptionnelle, Kreupelhout – Cripplewood, de la sculptrice Berlinde de Bruyckere, dans une semi-obscurité. Un arbre immense est présenté gisant au sol, dans la pièce centrale, et s’empare d’une autre, plus petite. Un arbre dont on ne sait guère, au final, s’il est végétal ou animal, tant sa surface, qui paraît réalisée de cire ou de latex, semble hésiter entre écorce, chair ou viscères. S’y mêlent par endroits des morceaux de tissus, mi-haillons, mi-pansements de fortune qui viendraient colmater des blessures ou des ablations. L’œuvre est d’une force poignante.

La sculpture est encore à l’honneur au pavillon des Pays-Bas avec l’œuvre de Mark Manders qui possède une formidable force plastique. On peut y voir l’influence de Beuys, de Tapies, de Chillida. Tant les différentes œuvres exposées que leur scénographie sont une belle réussite. La pièce la plus impressionnante est probablement celle qui trône au milieu du pavillon qui fait tenir, à l’aide de cordages, une silhouette humaine sur l’arrête d’une table entourée de sièges. Dans le pavillon des Etats-Unis, c’est l’installation qui est à l’honneur, avec des œuvres extrêmement réussies de Sarah Sze (Triple Point), une habituée des biennales où ses œuvres spectaculaires font toujours mouche. L’artiste parvient à créer des cosmogonies de grandes dimensions à l’aide d’objets de taille souvent très réduite. Le nombre d’éléments composant ses oeuvres semble presque infini et, pourtant, tout tient, chaque pièce semble disposée à la plus juste place. En formes de cercle ou de sphère, les œuvres qui évoquent la terre ou le cosmos sonnent particulièrement juste.

Parce que le Portugal est privé d’un espace dans l’un des deux sites de la Biennale, Joanna Vasconcelos a eu l’idée ingénieuse d’amarrer un navire juste à l’entrée des Giardini. Bien vu pour ce grand pays de navigateurs ! La coque est ornée d’azuleros, quand l’intérieur présente un environnement de tissu très « féminin » dont se détachent des formes testiculaires qui évoquent les volumes du Brésilien Ernesto Neto. Ce n’est qu’un juste retour des choses quand le travail récent de celui-ci semble avoir emprunté à l’art du crochet coloré de l’artiste portugaise.

Parce que l’art contemporain ne se limite pas aux seules scènes occidentales, encore moins à celle des seuls Etats-Unis, il convient de signaler la belle – et brève – vidéo de Mohammed Kazem, pour le pavillon des Emirats Arabes Unis, Walk on Water. Dans cette installation immersive qui projette, à près de 360 degrés, l’image d’une mer agitée, le visiteur fait l’expérience de l’isolement au sein des flots et de la houle.

Au sein du pavillon du Brésil se distinguent les très maîtrisés pliages de livres d’Odires Mlàszho. Enfin, c’est le pavillon de l’Angola - bien loin des Giardini et de l’Arsenal - qui s’est vu attribuer - à la surprise générale - le prix de la meilleure participation nationale. L'installation d'Edson Chagas, Luanda, Encyclopedic City, présentée dans le cadre d'un palais aux murs ornés de très beaux tableaux anciens, propose d'emporter des posters de gros plans d'objets photographiés en extérieur dans une ville.

On se réjouira de l’hommage que les meilleurs pavillons nationaux rendent indirectement à la scène institutionnelle française. Anri Sala, c’est assez normal pour l’artiste représentant notre pays, était visible l’an dernier à Paris, au Centre Pompidou. Berlinde de Bruyckere a déjà été montrée à la Maison rouge ; Ai Weiwei au Jeu de Paume ; Sarah Sze à la Fondation Cartier pour l’art contemporain de Paris ainsi qu’à la Biennale de Lyon. Autant dire que les responsables d’institutions officiant en France ont du flair et qu’ils savent organiser une programmation de haut niveau. De cela aussi, la présente exposition par pavillons de la Biennale de Venise peut conduire à se réjouir.

Légende photo

Pavillon Allemagne - Ai Weiwei, Installation de chaises - 55. Esposizione Internazionale d’Arte, Il Palazzo Enciclopedico, la Biennale di Venezia - © Photo Italo Rondinella - © Photo courtesy La Biennale de Venise

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