MILAN (ITALIE) [27.08.12] – Plusieurs acteurs du monde culturel dénoncent dans une lettre envoyée au Président la République italienne une « privatisation » de la Pinacothèque de Brera. Le gouvernement tente de calmer les esprits, en expliquant les modalités d'un tel changement, nécessaire selon lui, dans une conjoncture économique difficile.
Le 23 août dernier, un groupe d'intellectuels, auteurs, historiens, restaurateurs, directeurs d'institutions et critiques d'art (dont entre autres Carlo Ginzburg et Alberto Asor Rosa) ont dénoncé la transformation en fondation privée de la Pinacothèque de Brera, dans une lettre au Président de la République italienne. Le gouvernement a en effet validé un décret-loi le 22 juin 2012 qui annonce la constitution d’ici 2013 d’une « fondation de droit privé dénommée « Fondation la Grande Brera », ayant son siège à Milan, afin de valoriser l’institution et d’améliorer la gestion selon les critères d’efficacité économique. La Pinacothèque de Brera, situé à Milan abrite une importante collection d’art ancien et moderne.
Les auteurs de la lettre dénoncent une privatisation rampante des musées nationaux, rapporte le Corriere della Sera. Ils soulignent par ailleurs que le ministère de la Culture ne fait pas partie des signataires du décret. Ils posent également la question de la légalité d'un tel changement, qui implique de céder à la fondation la collection du musée, ainsi que ses biens mobiliers et immobiliers. Enfin, ils évoquent la question du personnel de l'institution, en regard de l’« efficacité économique » voulue par le décret.
Le ministre de la Culture, Lorenzo Ornaghi, a répondu à la lettre le 23 août 2012 dans le Corriere della Sera, réfutant le terme privatisation. Il insiste sur un fonctionnement à la fois privé et public d'une telle structure. Il répond au problème de la propriété de la collection en rappelant qu'elle restera celle de l'État. Il assure avoir toujours été favorable au changement de l'institution, bien que le décret ait été proposé par le ministre du Développement Économique. Les 23 millions d'euros accordés à Brera pour l'entretien du Palais Citterio (bâtiment acquis par l'État en vue d'y exposer la collection Brera) ont été accordés à Milan grâce à l'intervention de celui-ci, rappelle le ministre. Il tente de rassurer les plus réticents quant à la place des partenaires privés. La Commune de Milan, la région Lombardie et la Chambre de commerce seront les principaux partenaires de Grande Brera. La Fondation Cariplo (fondation bancaire italienne) a également fait part de sa possible contribution a-t-il ajouté : un apport d'une grande importance dans une conjoncture qui ne favorise pas le mécénat de ce genre d'institution. Les rôles du privé et du public seront donc respectés, assure le ministre. Quant au personnel, des discussions avec les syndicats auront lieu courant septembre. Mais le partenariat privé est nécessaire dans ce cas, face à un État qui réduit ses embauches chaque année. Le système de fondation privée est, pour le ministre, un nouvel instrument utile pour être « en phase avec son temps » et avec « un système économique qui a changé ».
Mario Resca, Directeur pour la valorisation du patrimoine italien, a émis cependant quelques réserves. Même s’il admet qu’une régionalisation est nécessaire pour un État qui ne peux plus gérer ses 450 musées nationaux, il estime que les grandes institutions, comme Brera ou encore le Palais des Offices, doivent rester sous contrôle de l'État. Des solutions alternatives sont possibles pour Mario Resca, qui ne juge pas nécessaire une transformation aussi drastique. Il propose un abattement fiscal pour le mécénat, et une défiscalisation de l'institution, ou encore la réunion de Brera et du musée Cenacolo Vinciano de Milan en un pôle culturel indépendant.
Le Palais Brera regroupe de nombreuses institutions (la Pinacothèque, la Bibliothèque Nationale de Brera, l'Institut Lombard des Sciences et des Lettres, l'Observatoire Astronomique et le Jardin Botanique de Brera) qui ne relèvent pas toutes du même ministère. Un changement de statut dans un tel centre engendre automatiquement de lourdes procédures administratives et juridiques, explique Caterina Bon Valsassina, Directrice Régionale de la Lombardie. Une transparence juridique de la Fondation Grande Brera sera nécessaire, et ne se fera pas sans la mise en place d'une commission.
Depuis longtemps déjà, la question de la privatisation des musées nationaux est discutée en Italie. En 2002, le Parlement italien avait approuvé la loi de finances, stipulant que « la gestion des musées pourrait ainsi être concédée à des fondations, instituts ou autres organismes privés soutenus par des entreprises ». La loi précisait cependant, après amendement suite à de vives réactions du monde de la culture, que ces institutions resteraient sous la tutelle de l’État.
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Italie : mobilisation contre une privatisation rampante de la Pinacothèque de Brera
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