BERLIN (ALLEMAGNE) [30.07.12] - L’exposition présentant la collection du milliardaire Hasso Plattner fait figure de lot de consolation, après les polémiques provoquées par la construction d’une nouvelle Kunsthalle à Potsdam.
C’est le feuilleton de l’été, avec rebondissements et péripéties à souhait. Tout avait pourtant bien commencé, en avril dernier. Le milliardaire Hasso Plattner, un des fondateurs de l’entreprise SAP qui a produit le progiciel du même nom, a décidé d’offrir une Kunsthalle (un centre d’art) à la ville de Potsdam, afin d’héberger sa collection bourgeonnante.
Potsdam est une ville d’ex-Allemagne de l’est, la capitale du Land de Brandebourg qui entoure la ville de Berlin. Elle est située à trente-cinq kilomètres de la capitale allemande, et on y accède facilement depuis Berlin en S-Bahn, l’équivalent berlinois du RER parisien. Hasso Plattner y a créé un institut de recherche en 1998 et un incubateur de sociétés en 2003.
Il y a un an seulement, le mécène milliardaire a décidé de collectionner des œuvres d’art : il a rassemblé une trentaine d’œuvres, presque exclusivement d’artistes issus de l’ex-RDA. On ne peut cependant pas parler d’une collection d’art est-allemande, puisque la plupart des tableaux ont été produits après la chute du mur. Mais ils ont pour point commun d’être essentiellement de tableaux figuratifs, provenant des quatre grands maîtres de l’école de Leipzig: Bernhard Heisig, Wolfgang Mattheuer, Werner Tübke et Willi Sitte, surnommés la « bande des quatre ».
La collection possède également un Gerhard Richter abstrait, qui fait un peu figure d’intrus. Richter avait été formé au réalisme socialisme puis s’en était éloigné après avoir fui la RDA avant la construction du mur de Berlin en 1961. En 1977, Richter, ainsi que Georg Baselitz et Markus Lüpertz, avait décidé de décrocher leurs œuvres de « documenta 6 » en protestation contre la participation des peintres de la « bande des quatre », qu’il qualifiait d’« artistes d’état ». L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. Comme le souligne l’historien de l’art Eckhart Gillen, il est étonnant de voir en 2012 les tableaux de la « bande des quatre » réunis pacifiquement avec celui de Richter.
A noter également, la présence des œuvres d’Arno Rink, qui a été le professeur de Neo Rauch, dans cette exposition qui a été montée en urgence et se tient jusqu’au 16 septembre à la Maison de l’histoire brandebourgeoise-prussienne.
Si la collection ne comporte actuellement qu’une trentaine d’œuvres, elle a vocation à s’étendre et à être présentée de manière permanente dans la Kunsthalle que Plattner souhaitait offrir à la ville. A ce jour, il n’existe aucune présentation permanente d’œuvres provenant d’artistes est-allemands ; ils sont montrées au gré des expositions temporaires.
Cette nouvelle n’a cependant pas fait que des heureux. En effet, le projet d’Hasso Plattner était d’acquérir un hôtel de dix-sept étages en plein centre ville, le raser et construire à la place une Kunsthalle moderne. Le hic ? Le bâtiment, qui héberge actuellement un hôtel Mercure, était un hôtel de la RDA construit sous l’ère Honecker. Raser le bâtiment, bien que celui-ci est peu esthétique et ne s’accorde pas au reste du centre ville, revient à effacer un pan entier de l’histoire récente. Paradoxalement, pour montrer de l’art est-allemand, il souhaitait balayer un exemple d’architecture de ce défunt pays.
Devant les protestations, Hasso Plattner a, une première fois, retiré l’offre de la table. Mais des personnalités du monde de la télévision, de la mode et du cinéma, se sont mobilisées et ont organisé une manifestation en centre ville, en faveur du projet de Kunsthalle. Les politiques se sont emparés de l’affaire et le conseil municipal a voté en urgence la vente de l’hôtel à Hasso Plattner, tout en prévoyant un plan social pour les employés de l’hôtel Mercure.
Fin juin, on pensait donc que les choses étaient apaisées et le projet en bonne voie. Mais une recrudescence des protestations du personnel de l’hôtel a amené Plattner à changer une nouvelle fois d’avis, et il semble bien que cette fois ce soit définitif. La Kunsthalle verra bien le jour, et à Potsdam, mais dans un quartier éloigné et sur des terrains privés qu’il possède déjà. Potsdam a ainsi laissé passer le coche de revivifier le centre ville avec une Kunsthalle qui aurait attiré les visiteurs, toujours plus nombreux, qui voyagent à Berlin.
Si le maire de Potsdam regrette cette décision, l’historien de l’art Gillen ironise : « Au final, Potsdam a bien de la chance par rapport à Berlin : leur château est rénové en temps et en heure, et ils auront tout de même une Kunsthalle bien avant Berlin ». Le maire de Berlin, Klaus Wowereit, avait en effet promis la création d’une Kunsthalle, projet qui n’avait jamais abouti faute de fonds, ce qui lui avait été reproché lors des élections en octobre dernier.
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Polémiques autour d’une nouvelle Kunsthalle à Potsdam
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Abonnez-vous dès 1 €Le bâtiment principal du Conseil de la Ville de Potsdam - © Photo Expdm - 2005