PARIS
Rénové et repensé avec intelligence, le musée-atelier consacré au sculpteur a rouvert ses portes aux termes d’une année de travaux.
PARIS - Pour son trentième anniversaire, le Musée Zadkine, né du legs de la veuve du sculpteur à la Ville de Paris, a bénéficié d’une campagne de rénovation visant à le mettre aux normes et, surtout, à redonner du sens à la visite. Installé dans l’ancienne maison de l’artiste russe, le musée a rouvert ses portes après un an de fermeture ayant permis de retrouver l’état originel des bâtiments datant du XIXe siècle, les ateliers où Zadkine s’installa en 1928 et la maison adjacente où il vécu avec son épouse Valentine Prax. L’atelier qu’il fit construire en 1950 et le jardin ont également été réhabilités. L’entrée au musée s’effectue désormais par les anciens ateliers qui ont retrouvé leur hauteur sous plafond. Des ouvertures y ont été percées pour les relier aux appartements d’habitation où l’escalier à vis a, en outre, été restauré tandis que les parquets ont été laissés bruts, en pin blond ou rouge. Cela ne se voit pas forcément, mais ce chantier a nécessité des efforts considérables : retrouver les volumes d’origine impliquait de s’attaquer au béton installé dans tous les bâtiments et, pour rendre le musée accessible à tous, il a fallu rehausser l’ensemble des allées de quinze centimètres.
Désormais fluide, la visite plonge le visiteur dans le quotidien du sculpteur et révèle un lieu intime ayant, grâce aux partis pris scénographiques, retrouvé son authenticité. « Nous avons réfléchi à l’identité, à l’originalité de ce musée. Nul ne peut ignorer que cet ancien atelier, où vivait Zadkine, est un lieu de création. Nos choix ont découlé de cette idée forte pour construire un parcours à échelle humaine basé avant tout sur une approche sensible des œuvres », explique Véronique Koehler, conservatrice au musée, responsable de la nouvelle architecture intérieure. Respectant une trame chronologique, les œuvres sont présentées sans artifices, sur un fond blanc, l’intention étant « non pas de les exposer » mais de « les poser, comme des pièces qui viennent de surgir sous le ciseau de Zadkine ». « Les œuvres sont désacralisées, elles sont mises à portée du regard comme dans un atelier, tout simplement… C’est dans ce « simplement » que réside l’éloquence de son œuvre », précise encore la conservatrice. L’artiste étant un sculpteur de taille directe, les bronzes – comme le célèbre Torse de la ville détruite, évocation du monument installé à Rotterdam en 1953 – ont été retranchés du parcours permanent pour rejoindre le jardin. Ainsi, toutes les œuvres présentées à l’intérieur sont nées des mains de Zadkine et ont en commun de garder les traces de la matière dont elles sont issues. « Zadkine avait ce don d’immiscer une forme dans la matière, sans dénaturer le bloc sous son ciseau ; il laissait s’exprimer la nature sans lui imposer de canon particulier », souligne Véronique Koehler. Un procédé particulièrement visible dans cette Maternité de 1919 où la partie brune est utilisée pour dire la chevelure, tandis que la platitude de la partie avant lui permet de poser le corps de l’enfant dans les bras de sa mère, dans une attitude protectrice.
Revalorisation lumineuse
L’une des grandes réussites de ce nouvel agencement tient à la lumière qui pénètre dans les espaces par les grandes verrières des ateliers et les nombreuses ouvertures. Le musée vit ainsi au rythme des saisons et du changement de temps qui, dans une même journée, modifie la perception des œuvres. Dans un jeu permanent de reflets et de transparences, la visite se déploie autour du jardin, véritable salle d’exposition à ciel ouvert, visible depuis l’intérieur de la maison et vice versa. Ce sentiment est renforcé par l’installation de miroirs qui créent des correspondances entre les œuvres tout en démultipliant l’espace.
La réouverture offre l’occasion de découvrir des pièces inédites telles que Rebbecca ou La Grande porteuse d’eau (1927). Ce plâtre de trois mètres de haut, conservant l’impact du travail du bois, témoigne de la modernité de l’œuvre de Zadkine. Retrouvé en 2005, il n’avait pas été montré depuis 1949. Citons aussi la Tête de femme (1924) acquise par la Ville de Paris en 2009, issue de la collection Eileen Grey, qui incarne la manière qu’avait Zadkine de styliser les formes et simplifier les volumes. « Nous voulions porter un nouveau regard sur le sculpteur, le sortir de ce schéma convenu qui le réduit à une figure de l’École de Paris. Le temps est venu de reconsidérer les parcours individuels de tous ces artistes », conclut Véronique Koehler. L’édifice construit dans les années 1950 propose une mise en perspective du travail en atelier avec des pièces emblématiques comme ce bloc de granit ébauché, où le geste de l’artiste est visible, et cet Autoportrait en vrac déposé par le Musée national d’art moderne, qui représente tous les aspects du travail du sculpteur, dessinateur et graveur que fut Zadkine. Un condensé autant qu’une mise en abîme d’une œuvre que les équipes du musée ont su, avec subtilité et intelligence, restituer dans toute sa force et sa singularité.
100 bis, rue d’Assas, 75006 Paris, tél. 01 55 42 77 20, tlj 10h-18h sauf lundi et jours fériés.
- Budget travaux : 308 000 euros
- Directrice du musée : Amélie Simier
- Muséographie et scénographie : Véronique Koehler, adjointe à la directrice du Musée Zadkine, assistée de Catherine Lanson
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Zadkine à l’état brut
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Abonnez-vous dès 1 €Premier plan, salle 2 Rebecca ou la grande porteuse d'eau, [1927], plâtre peint, arrière pla, en enfilade, vue de la salle 1, Musée Zadkine, octobre 2012, copyrights Véronique Koehler/Musée Zadkine/ADAGP
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°378 du 2 novembre 2012, avec le titre suivant : Zadkine à l’état brut