VIENNE / AUTRICHE
Un an presque jour pour jour après l’inauguration du Museumsquartier à Vienne, les chiffres de fréquentation témoignent du succès de ce programme impressionnant. Ainsi métamorphosée, l’offre muséographique viennoise ne fait pourtant pas l’unanimité et les directeurs des grandes institutions n’hésitent pas à exprimer leurs critiques.
VIENNE (de notre correspondante) - Depuis son ouverture partielle au printemps 2001 (lire le JdA n° 130, 29 juin 2001), le Museums-quartier (MQ), nouvelle citadelle muséographique au cœur de Vienne, a déjà attiré plus de 1,5 million de visiteurs. À deux pas du Kunsthistorisches Museum (KHM), du Musée ethnologique et du Musée d’histoire naturelle, cette ville dans la ville abrite un grand nombre d’institutions : outre le Musée d’art moderne, le Leopold Museum, la Kunsthalle, le Centre d’architecture, le Musée des enfants et le Musée du tabac, le Museumsquartier est sur le point de se doter du Quartier 21, un espace consacré exclusivement à l’art contemporain dont l’inauguration est prévue pour septembre. Quelque 2 000 mètres carrés – destinés à des ateliers et habitations – seront loués à bas prix à des artistes, afin que soient présentés des projets entièrement développés à Vienne. Quant à la Kunsthalle, elle dispose depuis janvier d’une nouvelle dépendance sur la Karlsplatz. À l’endroit où se dressait autrefois une monumentale boîte jaune abritant cet espace a été inauguré un nouveau pavillon de plain-pied dont les 250 mètres carrés de surface d’exposition sont consacrés à des projets spécifiques. Face à cette transformation radicale du paysage muséographique viennois, les réactions ne se sont pas fait attendre. Selon Gerbert Frodl, directeur de la Galerie nationale du Belvédère dont les collections présentent l’art autrichien à partir du Moyen Âge, “non seulement le Museumsquartier ne nous concurrence pas, mais nous avons même constaté une augmentation de visiteurs dès les premières semaines”. Malgré l’émulation que suscite le Museumsquartier, le Belvédère pâtit actuellement des affaires de restitution d’œuvres de Klimt, engagées à son encontre depuis 1998 (lire le JdA n° 147, 19 avril 2002). En outre, il semble que le Belvédère et l’Albertina songent à réunir leurs institutions en une seule entité et à regrouper ainsi les collections de peintures et d’œuvres graphiques autrichiennes.
Également satisfait des effets du nouveau quartier des musées, Wilfried Seipel, directeur du KHM – qui chapeaute le Musée du théâtre et le Musée ethnologique – estime que le Museumsquartier lui apporte entre 3 et 4 % de visiteurs supplémentaires. En revanche, le directeur de l’Albertina, Klaus Albrecht Schröder s’inquiète de la menace que représente désormais l’offre artistique démesurée de la capitale autrichienne. “À présent, il y a plus de surfaces d’exposition que le marché ne peut en absorber, et les budgets n’augmentent pas en conséquence. Nous avons une densité de musées plus élevée qu’à Paris. Il est nécessaire d’unir nos forces en matière d’organisation et de budget. Nous devrons mettre en place des coopérations stratégiques et des fusions, si l’on veut garantir une utilisation efficace des moyens dont nous disposons. Par exemple, il y a d’énormes redondances entre le Musée d’art moderne (Mumok) et le Musée d’arts appliqués (Mak). Il faudrait aussi reconsidérer la situation de l’Albertina et du Belvédère, dont les collections ont été divisées en 1924”, explique-t-il. Plus critique, Ursula Pasterk, adjointe à la culture, ajoute : “Actuellement, à Vienne, nous avons 153 musées, sans compter les deux ou trois autres qui seront terminés dans un avenir proche. Qui a besoin de tant d’institutions ? De plus, les musées-mastodontes ne créent pas nécessairement une offre plus différenciée, au contraire, et nous voyons déjà leurs premières victimes : par exemple, la Künstler-haus sur la Karlsplatz. C’était autrefois un lieu d’expositions privilégié, qui a été dépouillé de tout son prestige.” En effet, à quelques mois d’intervalle, deux musées viennois ont présenté une exposition identique : tandis que le KHM s’est lancé dans une politique d’expositions d’art autrichien contemporain, le Belvédère et le Leopold Museum présentent peu ou prou les mêmes artistes. En somme, toutes les collections des musées viennois se chevauchent et certaines institutions du Museumsquartier, malgré le renouveau qu’il insuffle à la capitale, semblent superfétatoires à plusieurs directeurs de musées.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Vienne fait son bilan
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : Vienne fait son bilan