PARIS
François Pinault a eu à cœur de redonner tout son lustre au bâtiment, mais sans perdre de temps.
Paris. La restauration de la Bourse de commerce va entrer dans les annales : malgré l’ampleur de la tâche, elle n’aura duré que trente mois entre septembre 2017 et mars 2020. Il faut dire que François Pinault n’a pas été chiche, il a déboursé 160 millions d’euros pour un bâtiment de 10 500 m² de surface au sol, soit 2,3 fois plus au mètre carré que les travaux du Grand Palais, contemporain de la Bourse, qui viennent à peine de commencer après des années de tergiversations.
Plutôt en bon état (la chambre de commerce et d’industrie de Paris en était propriétaire jusqu’en 2015, mais avait pourtant voulu le détruire dans les années 1970), le bâtiment présente cependant plusieurs caractéristiques qui rendaient sa restauration délicate. Le premier édifice subsistant, une halle aux blés, est construit à partir de 1763, sur l’emplacement d’un l’hôtel – détruit – commandé par Catherine de Médicis (XVIe siècle), dont il ne reste qu’une colonne. Cette colonne, la première colonne isolée de Paris, classée en 1862, a traversé le temps flanquant encore aujourd’hui le bâtiment.
En 1782, la rotonde est recouverte d’une coupole en bois, reconstruite en fer en 1811, à la suite d’un incendie. La halle aux blés est fermée en 1873, puis transformée en Bourse de commerce par Henri Blondel, elle est inaugurée en 1889 quelques semaines après la tour Eiffel. L’architecte a reconstruit l’enveloppe extérieure, creusé en sous-sol, ajouté un étage, maçonné une partie de la coupole avec de la brique creuse pour y réaliser la fresque et installé une verrière sur la partie supérieure.
C’est cet « état 1889 » qui a été fort logiquement conservé par la Pinault Collection. Si la restauration des élévations et le ravalement des façades n’ont pas posé de problèmes particuliers, le sous-sol a réservé quelques surprises. Des chambres froides avec des machines à refroidir avaient en effet été installées sur un, puis deux niveaux, en 1889 et 1909, pour les besoins des commerçants du quartier. L’activité avait cessé en 1950, mais tout n’avait pas été enlevé. Il a fallu donc dépolluer, enlever ce qui devait l’être pour construire l’auditorium et restaurer les deux machines à refroidir encore en place, considérées comme du patrimoine industriel.
Dans le même temps, la verrière a été consolidée, la couverture en ardoise et en zinc refaite, des menuiseries intérieures reconstituées et les fresques restaurées. Ces dernières attirent naturellement le regard du visiteur : un vaste panorama circulaire coloré qui déploie, sur 1 400 m², l’histoire du commerce avec les cinq continents. Pas moins de vingt-quatre restaurateurs, sous la direction d’Alix Laveau, ont travaillé à trente mètres de hauteur pour nettoyer la toile, refaire les anciennes restaurations défaillantes et corriger les « fantômes » de la structure métallique de la coupole qui a laissé des marques sur la fresque. Tout cela en six mois. Le temps a été la contrainte principale de ces travaux. François Pinault était pressé. Il a donc fallu faire cohabiter plusieurs chantiers distincts et près de deux cents sous-traitants dans le même espace-temps limité.
Selon le principe de réversibilité, en usage dans la restauration de bâtiments anciens, l’anneau de Tadao Ando pourrait être enlevé. D’une épaisseur apparente de 50 cm, il est en effet constitué de deux voiles en béton sur une âme creuse, laquelle sert à faire passer quelques conduites. Mais on peut gager que l’anneau en béton restera encore longtemps, comme un témoignage de l’architecture du XXIe siècle, venant s’ajouter aux deux autres principales époques de construction.
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Une restauration soignée en un temps record
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°568 du 28 mai 2021, avec le titre suivant : Une restauration soignée en un temps record