Espagne - Musée

Un surcoût d’1 milliard d’euros pour la Cité des arts et des sciences de Valence

Par Julie Paulais · lejournaldesarts.fr

Le 15 avril 2015 - 808 mots

VALENCE (ESPAGNE) [15.04.15] - Des années après l’inauguration de la Cité des arts et des sciences à Valence, à l’est de l’Espagne, le bilan demeure mitigé. Le surcoût total est estimé à 1 milliard d’euros, et l’ensemble du site va être privatisé d’ici la fin du mois.

La Cité des arts et des sciences (CACSA) de Valence est un complexe consacré à la diffusion scientifique et culturelle, qui se compose de six éléments majeurs: l'Hemisfèric (cinéma IMAX et projections numériques), l'Umbracle (jardin botanique), le Musée des Sciences Prince Philippe (centre de sciences interactif), l’Oceanogràfic (le plus grand aquarium d'Europe avec plus de 500 espèces marines), le Palau de les Arts Reina Sofía (centre dédié à l’art et la musique), et l'Agora, qui donne à l'ensemble un espace multifonctionnel. Ce complexe a été monté par la Generalitat Valenciana, et construit le long d'un axe de près de deux kilomètres de l'ancienne rivière Turia par l’architecte et ingénieur Santiago Calatrava, aidé de Félix Candela. Il a été inauguré en 1998 avec l'ouverture de L'Hemisfèric. Le dernier élément de la Cité des arts et des sciences, l'Agora, a été inauguré en novembre 2009. Des années après le lancement de ce projet, le bilan demeure mitigé, avec plus d’un milliard d’euros de surcoût de construction, comme le rappelle un article du journal El País.

Le député d’Esquerra Unida del País Valencia, Ignacio Blanco, a réussi à publier les contrats et les chiffres relatifs au projet, que le gouvernement valencien avait toujours refusé de communiquer. La majorité des bâtiments construits par l’architecte Santiago Calatrava ont largement dépassé leur budget prévisionnel, et le surcoût total de la Cité a été estimé à 1 milliard d’euros.

L’Agora est un espace multifonctionnel qui couvre une superficie de 4 800 m². Il a ouvert, inachevé, il y a quatre ans, avec un dépassement de coût de plus de 45 millions d'euros. Aujourd’hui il demeure fermé. Son immense salle principale est utilisée à peine à hauteur de 6%. Le Musée des Sciences Prince Philippe a dépassé son budget de 216%, pour atteindre 154 millions, en raison de problèmes de conception. Il a été nécessaire de refaire l'isolation acoustique ainsi que le dispositif de contrôle de la lumière, et d’ajouter sur la façade sud deux escaliers pour se conformer au règlement de sécurité incendie. Dans le Palau de les Arts, également conçu par Calatrava, le coût supplémentaire a grimpé à plus de 337 millions d'euros, c’est-à-dire 447%. Aux problèmes préexistants (plateforme scénique défectueuse, manque de visibilité dans la salle principale, inondations), s’est ajoutée la réparation toujours en cours de la façade recouverte de 20 000 m² de trencadis, qui a commencé à se détacher en 2013. L'Umbracle, oasis paysager de 17 000 m², devait comprendre un ensemble de sculptures contemporaines d'artistes de renommée internationale, selon le communiqué de presse. Le Paseo del Arte n’a jamais été réalisé. Il en va de même du Jardin de l'astronomie, dans lequel le visiteur aurait pu interagir avec des modèles, des panneaux et des instruments scientifiques. La moitié du belvédère, dont le coût initial a doublé pour atteindre plus de 17 millions d’euros, est également fermée au public et exploitée par une entreprise privée. Pour l’autre moitié, Calatrava avait prévu un espace entouré de palmiers et de vignes, propice à la méditation, qui n’existe plus aujourd’hui, probablement faute de moyens pour l’entretenir.

Malgré les coûts supplémentaires et la baisse considérable des visites au cours du temps, Joaquín Maudos, professeur d'analyse économique à l'Université de Valence et directeur adjoint de l'Institut valencien de recherches économiques, défend le bénéfice social du projet. La Cité des arts et des sciences a reçu 50 millions de visiteurs depuis 1998. « C’est un lieu touristique obligatoire » dit l'expert qui a mené les études d'impact économique et l'analyse coûts-bénéfices entre 2000 et 2011, non publiés à ce jour. Il n'y a eu aucune autre étude depuis cette date. Maudos reconnait que l’absence de prise en compte d’une étude de faisabilité et du coût d’opportunité constitue « une erreur pour un projet d’une telle envergure ».

Les critiques de la Cité des arts et des sciences sont nombreux. Joan Romero, professeur de géographie humaine, conçoit la Cité comme « un modèle opaque, extravagant et à la rentabilité douteuse pour les citoyens ». Tito Llopis, architecte et commissaire d’exposition, affirme que « le résultat final, avec un développement exorbitant, est la conséquence de décisions politiques ».

D’ici la fin du mois, la Cité des arts et des sciences va attribuer l’Oceanogràfic, l’Agora, et une partie du Palau de las Arts à une des trois entreprises privées qui se sont présentées au concours lancé en 2013 pour reprendre la gestion de la Cité. La Generalitat Valenciana espère que l’opérateur privé augmentera les recettes et le nombre de touristes dans les 15 prochaines années, afin de couvrir les dépassements de coût accumulés.

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L'Hémisphéric dans la Cité des arts et des sciences de Valence, en Espagne © Photo Diliff - 2009 - Licence CC BY-SA 3.0

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