Après avoir été conservateur pendant vingt-deux ans au Museum of Modern Art (MoMA) à New York, l’Américain James S. Snyder dirige le Musée d’Israël, à Jérusalem, depuis 1996. Artisan de la réorganisation du musée, il en explique les fondements.
Pourquoi n’avez-vous décidé ni de faire appel à un architecte superstar ni de construire un bâtiment iconique ?
Le campus a une signature, ce modernisme international adopté en 1965. Je suis très intéressé par l’architecture, et pour moi, nous avions l’opportunité de commander une architecture totalement fraîche, qui pourrait faire écho à ce qui était déjà ici, et qui deviendrait une nouvelle signature. C’est cette collection universelle d’art et d’archéologie qui donne de la monumentalité à l’endroit.
Pourquoi était-il important de réorganiser ce musée ?
Quand j’étais au MoMA, après avoir mené l’extension du musée en 1984, je me suis beaucoup intéressé à ce qui fait qu’un endroit devient un lieu culturel important. Et j’ai réalisé que cela tenait à la relation des collections à l’architecture. Quand j’ai découvert le Musée d’Israël pour la première fois, ce qui m’a frappé, avant d’apprécier l’art et l’archéologie, c’est l’unique fusion entre le paysage et l’architecture. Le potentiel de ce site, qui avait déjà été développé pendant trente ans, était vraiment étonnant, tout comme le souffle de la collection. Très peu d’endroits ont cette force. Il est difficile de trouver un musée équivalent offrant une telle vision universelle, commençant avec la préhistoire et allant jusqu’à aujourd’hui, en couvrant à la fois la culture ancestrale de cette région et l’art contemporain international. Pour moi, cet ensemble, qui était à l’époque éclaté, formait une ligne ininterrompue. Nous n’avions pas besoin de reconstruire ce lieu, mais seulement d’exploiter ce potentiel incroyable. Au cours de son histoire, le musée a grandi et le concept originel de l’architecture a anticipé ce fait. Les architectes ont choisi ce modernisme modulaire, parce qu’il pouvait évoluer organiquement dans le paysage pour permettre au musée de grandir comme un village arabe. Comment, à l’intérieur de cette enveloppe originelle, pouvions-nous créer ce continuum ?
Dans notre projet, nous voulions mettre en périphérie les services, redessiner les espaces pour la collection, créer un nouveau centre d’accueil et réinstaller les collections de façon chronologique : commencer avec le début des temps, examiner la diaspora de la culture juive et rencontrer les beaux-arts israéliens tels qu’ils ont débuté il y a une centaine d’années, traverser la culture européenne avec les grands maîtres, visiter les cultures non-occidentales (l’Afrique, l’Océanie et l’Asie), puis aborder le modernisme du XXe siècle. Nous avions la possibilité de le faire grâce à nos collections. Durant près de huit ans, nous avons travaillé à renforcer nos points faibles et, ces cinq dernières années, nous avons vraiment réussi à concevoir ce plan et à le réaliser.
Quels sont les départements qui ont grandi le plus vite ?
L’archéologie bénéficie de nouvelles découvertes grâce aux fouilles. Notre section « Judaïca » a grandi à la marge. La section « Art moderne » est de bonne qualité ; elle s’enrichit grâce à des dons et présente de gros potentiels. En art contemporain, notre conservatrice [Suzanne Landau] est exemplaire et nous sommes en train de constituer une collection extraordinaire. Le secteur qui réclame le plus grand développement est l’art européen avant le XIXe siècle. Nous ne sommes pas un pays européen bénéficiant de l’héritage de collections royales. Nous sommes partis de zéro en 1965. Les maîtres anciens ne représentent pas un secteur aussi proactif que l’art moderne ou les cultures non-européennes. C’est celui pour lequel nous avons le plus besoin d’aide.
Cette inauguration s’accompagne de deux commandes passées à Anish Kapoor et Olafur Eliasson. Dans le parc de sculptures, vous venez aussi de restaurer une œuvre de Picasso. Que lui était-il arrivé ?
En 1967, Picasso a conçu une sculpture prévue pour être construite en béton moulé sur une armature en acier, technique nouvelle à l’époque. Avec les années, le béton s’est fissuré et la sculpture a commencé à devenir dangereuse. Nous nous demandions ce que nous allions faire quand j’ai croisé Bernard Ruiz Picasso il y a un an et demi à Bruxelles. Je lui ai raconté notre problème et nous avons contacté la Picasso Administration qui nous a autorisés à mouler la sculpture pour la refaire. Bernard et Almine possèdent une fondation et ils nous ont apporté un soutien financier pour reconstruire l’œuvre. C’est une belle histoire.
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« Un potentiel incroyable »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°330 du 10 septembre 2010, avec le titre suivant : « Un potentiel incroyable »