L’Historial Charles-de-Gaulle vient d’être inauguré aux Invalides, dans les sous-sols du Musée de l’armée.
PARIS - Avec l’ouverture de l’Historial Charles-de-Gaulle, à Paris, le Musée de l’armée achève la troisième tranche de travaux de son vaste programme de modernisation et de rénovation baptisé « Athéna », lancé en 2000 et censé s’achever en 2010 (lire le JdA no 178, 10 octobre 2003, p. 13). Installé sous la cour de la Valeur, aux Invalides, le lieu a été conçu comme un « monument invisible », « une architecture numérique où la matière est révélée par la lumière des images », ont expliqué les architectes en charge du projet, Alain Moatti et Henri Rivière. Et pour cause : farouchement opposé au « culte des reliques », Charles de Gaulle n’a laissé que très peu de documents ou objets d’archive à la postérité.
Pour évoquer la mémoire de l’homme du 18 juin, mais aussi de l’artisan de la Ve République, le parti pris a donc été d’utiliser uniquement les archives audiovisuelles (provenant essentiellement de l’Institut national de l’audiovisuel) et photographies d’époque. Totalement virtuelle, la scénographie pêche parfois par son aspect gadget et sa superficialité. Plongé dans les lumières artificielles d’images d’archives projetées sur les murs, les plafonds, ou semblant surgir de nulle part, le visiteur, muni de l’inévitable audioguide, en prend littéralement plein les yeux. À commencer par le film d’Olivier Brunet, visible sur cinq écrans dans un vaste espace de 200 places situé au cœur du parcours. D’une durée de 25 minutes, le film retrace les grands moments de la carrière de Charles de Gaulle, à l’aide d’images historiques judicieusement montées, et dont les commentaires de Maurice Druon sont lus par Francis Huster. Autour de ce vaste espace « initiatique », de petites alcôves mettent en scène certains épisodes de l’Histoire par le biais d’astuces multimédias en tout genre. Mais l’interactivité ne peut pas tout, et le visiteur tourne vite en rond dans ce lieu purement fictif, conçu à la gloire d’un homme devenu une icône, sans zone d’ombre. On peut regretter qu’à travers ce portrait trop lisse ne soient pas évoquées toutes les tendances du mouvement qu’il fonda en 1947, le RPF (Rassemblement du peuple français). Par ailleurs, la construction d’un tel espace est-elle légitime alors que Charles de Gaulle est déjà fort bien représenté dans l’immense espace dévolu aux deux grands conflits mondiaux du XXe siècle, et inauguré au sein du musée en juin 2006 ? Sans oublier l’ouverture du futur « Mémorial Charles-de-Gaulle », prévue d’ici à la fin de l’année à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne) [lire l’encadré], ni la Maison natale du général, à Lille, déjà transformée en 2005 en un centre culturel multimédia. « Ce lieu n’est pas destiné à un vieux gaulliste comme moi. Il s’agit surtout d’éduquer les jeunes générations », précise le directeur du Musée de l’armée, le général Robert Bresse. Projet porté par la Fondation Charles-de-Gaulle, ce vaste Historial sous-terrain n’était pas prévu à l’origine du programme Athéna. Aux quatre tranches de travaux initiales a été ajouté, en 2002, ce lieu ardemment voulu par le président de la République de l’époque, Jacques Chirac, après que la Fondation Charles-de-Gaulle eut obtenu un solide engagement de la part de l’État. Le général Robert Bresse s’est d’ailleurs félicité que son institution n’ait pas eu à débourser un centime pour ce monument conçu « aux frais de l’État » et avec l’aide de la Fondation, d’autant plus que l’opération financière a dépassé de 20 % le budget prévisionnel. Tandis que pour les autres tranches de travaux (s’élevant respectivement à 13,6 millions et 16,5 millions d’euros), les enveloppes ont globalement été respectées. Le Musée, qui accueille déjà 1,2 million de visiteurs par an (soit une augmentation de 300 000 visiteurs en quatre ans), parmi lesquels 80 % d’étrangers, espère encore augmenter sa fréquentation et rajeunir son public avec ce nouvel espace.
Musée de l’armée-Hôtel national des Invalides, 129, rue de Grenelle, 75007 Paris, tél. 01 44 42 38 77, www. invalides.org, tlj 10h-18h sauf le 1er lundi de chaque mois.
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Un « monument audiovisuel »
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Abonnez-vous dès 1 €- Directeur du Musée de l’armée : général Robert Bresse
- Président de la Fondation Charles-de-Gaulle : Yves Guéna
- Directeur du projet : Sharon Elbaz
- Maîtrise d’œuvre : Agence Moatti et Rivière
- Surface : 2 400 m2 (1 200 m2 d’exposition permanente ; 800 m2 d’exposition temporaire et atelier pédagogique ; 400 m2 salle multi-écrans)
- Coût de l’opération : 15 millions d’euros
- Budget total « Athéna » : 72 millions d’euros (dont 60 proviennent du ministère de la Défense)
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Un « monument audiovisuel »