FRANCE
La participation citoyenne dans les politiques patrimoniales prend aujourd’hui des formes nouvelles. Un rapport du ministère de la Culture publié récemment observe ces évolutions et propose quelques préconisations pour clarifier les rapports entre professionnels et bénévoles.
France. C’est à la faveur du confinement que les inspecteurs du patrimoine ont été invités par la direction générale des Patrimoines à se pencher sur le sujet du bénévolat dans les politiques et institutions patrimoniales. Un vaste domaine, qui recouvre les formes classiques du bénévolat en archéologie, ou dans les archives, mais aussi les initiatives plus récentes de co-construction – des programmes scientifiques et culturels muséaux, par exemple – ou les démarches s’adressant aux « habitants », sous forme de consultation.
Les quatre inspecteurs du patrimoine, assistés de leurs collègues de la Délégation à l’inspection, la recherche et l’innovation, ont ainsi mené quelque 250 entretiens, auprès de professionnels du patrimoine, d’élus, d’administrateurs et de citoyens participants. Il en résulte un rapport pionnier sur cette participation aux contours encore flous en France.
Le rapport distingue trois formes de participation. La première, et la plus ancienne, serait la « production bénévole ». Dans cette forme de participation citoyenne, les bénévoles sont un maillon actif de la chaîne patrimoniale, par la collecte, ou la participation à des fouilles archéologiques, la restauration de monuments. Plus rarement, ce bénévolat peut aussi concerner la production de contenu scientifique, d’études. En bout de chaîne, la valorisation du patrimoine par des bénévoles, dans le cadre de visites, d’animations, est également un cas de figure plutôt courant.
Le rapport différencie cette production désintéressée – dont l’origine remonte aux sociétés savantes et académies du XIXe siècle – de deux autres formes : « réception active » et « consultation citoyenne ».
La « réception active » correspond à ce que les musées développent souvent sous le terme de « politique des publics », qui consiste en un élargissement des usagers. Dans une conception très large de la participation, on peut ainsi inclure les efforts politiques relevant de l’objectif de démocratisation culturelle.
« La consultation citoyenne » s’inscrit, elle, dans la politique des « droits culturels », décrite dans la convention de l’Unesco pour le patrimoine culturel immatériel de 2003, et la convention-cadre de l’Union européenne sur le patrimoine culturel, signée à Faro en 2006. Entrée dans la législation française avec la loi NOTRe (2015), elle diffère de la démocratisation à la Malraux qui se propose – simplement – d’ouvrir grand les portes des institutions culturelles.
Les « droits culturels » garantissent l’expression et la représentation d’une identité culturelle dans laquelle l’usager se reconnaît, pour promouvoir un pluralisme culturel.
La consultation invite donc à considérer les citoyens comme des acteurs décisionnaires des politiques patrimoniales. Les efforts menés en ce sens représentent une troisième forme de participation, où les institutions culturelles, comme les collectivités, demandent aux citoyens de se prononcer directement sur ces politiques. Concrètement, des habitants sont invités à participer à la création du projet scientifique et culturel d’un musée, ou à l’élaboration de contenus patrimoniaux. Les auteurs du rapport incluent même dans cette catégorie les mobilisations militantes visant à préserver un élément patrimonial.
Cette troisième forme de participation est celle dont le développement est le plus récent : de nombreuses collectivités (comme Rouen, Lyon...) inscrivent désormais leur politique culturelle et patrimoniale dans l’esprit de la convention de Faro. C’est aussi celle qui pose de la manière la plus aiguë les questions de légitimité que soulève la participation citoyenne : légitimité du bénévole participant, légitimité du professionnel formé et érudit, légitimité du politique.
De manière générale, les réticences à cette implication directe du public restent nombreuses chez les professionnels, et les cas de cogestion entre professionnels et bénévoles restent rares : le statut particulier de l’Alsace en donne pourtant de beaux exemples, comme le Musée Unterlinden de Colmar, dirigé par une association.
Pour les institutions, l’implication directe du public se heurterait d’abord à un manque de temps et de moyens de leurs équipes. Les auteurs du rapport notent toutefois que plus une structure est grande, plus ce manque se fait ressentir, à l’inverse des toutes petites structures, où la participation des habitants est accueillie avec moins de difficultés malgré des moyens bien moindres.
Des craintes sont aussi formulées sur le versant juridique : quelles sont les responsabilités juridiques lorsqu’un bénévole opère, par exemple, dans les réserves d’un musée ? Si ces questions paralysent bon nombre d’institutions, le rapport assure que d’autres y ont apporté des réponses satisfaisantes depuis des années.
Les inspecteurs du patrimoine formulent plusieurs recommandations, visant à lever ces craintes. La rédaction d’un vade-mecum juridique en fait partie, ainsi que la création d’un observatoire de l’engagement permettant d’obtenir des données chiffrées sur le bénévolat. Ils proposent également la création d’une plateforme d’échanges entre professionnels et bénévoles, afin d’harmoniser les pratiques et de régler les questions de légitimité. Surtout, les auteurs notent le besoin de formation dans les institutions culturelles, où les agents ne savent pas comment accompagner bénévoles et participants. Car cela ne s’invente pas, et nécessite des compétences spécifiques. Dans les pays anglo-saxons, c’est même un poste à part entière, « officier de liaison ». Le rapport du ministère de la Culture souhaiterait ainsi qu’une fiche de poste type intitulée « médiateur de participation » soit rédigée afin de passer ce cap.
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Un état des lieux du bénévolat dans le patrimoine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°598 du 4 novembre 2022, avec le titre suivant : Un état des lieux du bénévolat dans le patrimoine