Le temps est révolu où les artistes chinois connus en France étaient limités au seul Zao Wou-ki. Tour de ceux que l’on peut voir actuellement exposés en France.
L'ouverture de la Chine au libéralisme économique s’est traduite dans le monde de l’art par un incroyable développement tous azimuts des réseaux et de la circulation des artistes. À ce point que la scène chinoise compte aujourd’hui parmi les toutes premières et que les artistes ont littéralement envahi la place. Alain Peyrefitte a eu raison de l’écrire : Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera, titre d’un ouvrage prescient paru en 1978. On ne compte plus le nombre d’expositions institutionnelles ou privées qui s’en font le relais, comme en témoigne l’actualité de cette nouvelle année.
Liu Bolin
Pionnier en son genre, Romain Degoul a créé une galerie de photos à Pékin voilà six ans et, depuis lors, son affaire n’a cessé de croître. Après s’être imposé sur la scène chinoise comme le spécialiste en son domaine, il s’est installé en doublon à Paris, puis tout nouvellement, à Bruxelles dans un magnifique espace. L’exposition parisienne qu’il consacre à Liu Bolin, né en 1973 dans la province du Shandong, est l’occasion de (re)découvrir les images de camouflage qui ont assis la notoriété de l’artiste. Procédant d’un jeu combiné entre performance, peinture et photo, les œuvres de Liu Bolin qui montrent des silhouettes se confondant avec un décor urbain jouent en fait à rendre visible ce qui est invisible et à faire prendre conscience au regardeur de la difficulté existentielle à vivre dans l’environnement chinois tel qu’il se développe. Politique au sens premier du mot, l’art de Liu Bolin est engagé dans un combat qui est celui de l’adaptation de l’homme aux excès de son temps.
Yue Minjun
Assez tôt également, la Fondation Cartier a témoigné de son intérêt pour l’art chinois, et l’exposition qu’elle consacre à Yue Minjun en est une nouvelle preuve. En matière de tête d’expression –on se souvient qu’elle faisait l’objet d’un concours spécifique à l’admission de l’Académie au XVIIe siècle –, les visages hilarants et grinçants de cet artiste n’ont pas leur pareil. Sinon ceux sculptés de l’Autrichien Franz Xaver Messerschmidt. Né en 1962 dans la province du Heilongjiang, Yue Minjun développe depuis une vingtaine d’années une œuvre faite exclusivement de scènes de figures peintes aux couleurs acidulées dans des compositions aux sujets les plus divers, souvent en reprise de motifs historiques. Les différentes physionomies des débuts ont fait place petit à petit au seul visage de l’artiste lui-même, qu’il décline sur des toiles volontiers immenses. Cela participe à en excéder le caractère expressif jusqu’à une forme grotesque pour le moins impressionnante, qui se donne aussi à voir en volume.
Huang Yong Ping
Le MAC de Lyon s’est lui aussi montré curieux de la scène chinoise relativement tôt. L’exposition qu’il a choisi de consacrer à Huang Yong Ping [lire p. 24] vient justement augmenter la connaissance que nous avons de cet artiste depuis sa première apparition en 1989 aux « Magiciens de la terre » et son installation dès lors à Paris. Figure aînée du mouvement « Xiamen Dada », ayant pour devise « Le zen est Dada. Dada est le zen », Huang Yong Ping n’a de cesse de faire se croiser les cultures, de les confronter, voire de les heurter, tout en s’appliquant à dépasser ce qui les oppose. Sa démarche procède d’une réflexion sur le fait qu’une œuvre n’existe que dans une perpétuelle mutation. Tout à la fois autobiographique et autofictionnelle, l’exposition lyonnaise a été conçue à partir d’une collection de statuettes de la province du Fujian, dont l’artiste est originaire, qui vise à démontrer en un jeu entre l’ancien et l’aujourd’hui les mécanismes de fonctionnement propres aux champs culturels.
Tong Biao
Vus sur le stand de la galerie pékinoise d’Hadrien de Montferrand lors du dernier Salon du dessin contemporain, les paysages de Tong Biao sont une invitation à se laisser mentalement envahir dans une nature idéalisée. Né en 1970 dans la province de l’Anhui, cet artiste se retrouve chez Pierre-Alain Challier pour sa première exposition personnelle en Europe. Sa maîtrise du fusain alliée à celle du clair-obscur le conduit à brosser d’impressionnants paysages qui sont nourris des traditions tout à la fois chinoise et romantique. Quelque chose d’une noirceur inquiétante mais d’une ampleur attractive y est à l’œuvre, comme ces paysages d’« orages désirés » jadis célébrés par Chateaubriand.
- « Liu Bolin », jusqu’au 9 mars 2013. Galerie Paris-Beijing à Paris. parisbeijingphotogallery.com
- « Yue Minjun. L’ombre du fou rire », jusqu’au 17 mars 2013. Fondation Cartier. www.fondation.cartier.com
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Un contingent d’artistes chinois visible en France
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Abonnez-vous dès 1 €- « Huang Yong Ping. Amoy/Xiamen », du 15 février au 14 avril 2013. Musée d’art contemporain de Lyon. www.mac-lyon.com
- « Tong Biao. Paysages », du 26 janvier au 23 février 2013. Galerie Pierre-Alain Challier. www.pacea.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°654 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Un contingent d’artistes chinois visible en France